XIXe siècle (lots 30-58)
2 lettres autographes signées, l'une à Ernest Feydeau, l'autre à Edmond Laporte. 1859 et 1878. [Joint :] lettres du peintre Benjamin-Constant.
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Description
Flaubert, Gustave
2 lettres autographes signées, l'une à Ernest Feydeau, l'autre à Edmond Laporte.
1859 et 1878.
Bel ensemble de lettres à deux de ses meilleurs amis.
Lettre à Ernest Feydeau. [Croisset] mardi soir [18 janvier 1859].
3 pages in-8 (210 x 130 mm), sur un bifeuillet de papier bleuté. Signée "Gve Flaubert".
Flaubert félicite son "vieux lubrique" et émule littéraire pour "la première partie de Daniel", second roman de son ami qui venait de paraître dans la Revue contemporaine. "Je la sais par cœur, au point de finir les phrases. Néanmoins le tout m’a paru plus court, ce qui est excellent…". Il le remercie de l'exemplaire dédicacé qu'il a reçu.
"Nous bûchons comme des nègres" : Flaubert évoque son travail avec Bouilhet, sans doute sur une scène de Salammbô : à cette époque, il termine le chapitre III de son roman.
Ernest Feydeau avait conseillé à l’auteur de publier des vers dans la Revue Contemporaine. Le "sieur Bouilhet" ne veut pas lire le roman de Feydeau en revue : "tout journal échigne un livre, résolution vertueuse dans laquelle je l'ai confirmé. Il m'a même défendu de lui en parler parce qu'il se réserve pour jouir". Il termine par cette amusante constatation : "Il faut que nous soyons bien abasourdis par la littérature car nous ne disons presque pas d’ordures. Décadence !"
En post-scriptum, il indique avoir reçu des nouvelles de la mère de son correspondant, puis évoque une mystérieuse "machination contre toi, moi ou Bouilhet" relative au roman L'Ermite de Vallombreuse de Florence Strub [paru chez Dentu en 1859] ─ énigme que les éditeurs de la Pléiade ne sont pas parvenus à élucider.
Père du célèbre auteur de boulevard Georges Feydeau, Ernest Feydeau (1821-1873) était coulissier à la Bourse et passionné de littérature. Flaubert et lui s’étaient connus en 1856. Leur importante correspondance témoigne de leur complicité littéraire et de leur profonde amitié. Flaubert fit souvent appel à lui pour la correction de certaines de ses œuvres. Leur entente se gâta cependant lorsque Feydeau, pour des besoins d’argent, se lança dans une littérature que Flaubert jugea licencieuse ─ ce qui explique le qualificatif de "vieux lubrique" dont il est qualifié par son ami.
Lettre à Edmond Laporte. [Paris], samedi 19 [janvier] 1878.
1 page in-8 (210 x 130 mm), sur un bifeuillet de papier bleuté. Signée "Gve Flaubert".
Pour aider son fidèle ami en proie à des ennuis financiers, Flaubert tente de lui obtenir un poste : la lettre évoque un dîner qu'il veut organiser avec Bardoux, ministre de l'Instruction et des Cultes, dont il espère une aide pour son ami. "Je n'ai pas de nouvelles [...] si je n'ai pas de réponse lundi, j'irai mardi au ministère. Et n'ayez pas peur, mon vieux Bab, je le talonnerai". C'est aussi à Gambetta qu'il peut s'adresser : "Nous avons eu ensemble une conférence particulière. Encore trois pareilles & nous nous tutoyons ! [sic]". Flaubert se montre rassurant : "il faut que mon bon Laporte ait une place chic ! J'y arriverai".
Il termine sa missive en évoquant la rédaction de Bouvard et Pécuchet : "Le duc d'Angoulême m'abrutit complètement. Je deviens lui." Rappelons que Laporte aidait Flaubert dans ses recherches pour construire son Bouvard et Pécuchet, en faisant pour lui des recherches préparatoires, notamment pour les questions de sciences naturelles.
[On joint :]
BENJAMIN-CONSTANT, Jean-Joseph
- 3 lettres autographes signées, un billet signé, [1884]-1892 et sans date (7 p. ½ in-8). Le billet imprimé, signé, concerne la vente de tableaux qui eut lieu en mai 1884, au profit des enfants du peintre Ulysse Louis Auguste Butin, décédé au mois de décembre précédent. "Je déclare abandonner le produit de mon don à la vente BUTIN en toute propriété aux orphelins".
Le 11 novembre 1886, Benjamin-Constant s’adresse à un confrère [le peintre Emmanuel Lansyer ?] à propos d’une gravure. Il lui envoie un croquis de l’esquisse qui sera agrandie sur la toile et lui fournira une épreuve, la Sorbonne vue de la cour. "Sitôt que votre esquisse sera visible, vous aurez l'obligeance de me la montrer et nous deux ou nous ajouterons, ou nous retrancherons". Lansyer est l’auteur d’une toile, intitulée "Cour de la vieille Sorbonne", aujourd’hui conservée au Musée Carnavalet.
Président de La Cigale, il regrette l’absence de son vice-président, l’homme de lettre Albert Tournier (originaire de Pamiers, en Ariège) aux dîners de leur société. "Vous êtes de ceux avec Paul Arène qui m’avait voulu absolument pour président. Et puis vous ne venez pas ? Vous êtes de ceux qu'on regrette et pour ma part, étant donné notre véritable réciproque sympathie, je vous demande de nous faire à tous l'amitié d'être présent au prochain dîner. J'en ai fait le dessin pour le menu". Il rappelle qu’il reçoit tous les dimanches, chez lui, rue Pigalle, à partir de 14 heures (28 décembre 1892).
Enfin, le 5 juin, il écrit à son cher Truphème [le peintre aixois Auguste Joseph Truphème] à propos d’un de ses discours où il n’a pas cité son ami, ne comprenant pas cet oubli. "Votre nom se trouvait au crayon dans mon brouillon avec deux autres. Il a fui de mes yeux. Il était cependant dans mon cœur, croyez-le bien. Je reconnais qu'il aurait mieux fallu qu'il fût sur mes lèvres à ce moment-là". Il lui promet lors de la prochaine réunion de La Cigale, de n’adresser son prochain toast qu’à lui seul, en le félicitant "pour un ruban qui vous manque et pour lequel dès aujourd'hui je vais m'employer de tout cœur".
C’est en 1876 qu’avait été fondée la Cigale, société des Méridionaux de Paris proche des Félibres, ayant pour but de défendre la culture occitane. Pendant des décennies, se réunirent autour de dîners, banquets et spectacles, de nombreuses personnalités des arts, des lettres et de la politique principalement des républicains. En furent membres notamment, outre le poète Paul Arène ici mentionné, l’acteur Mounet-Sully, Jules Clarétie, Alphonse Daudet, Léon Cladel, Armand Fallières, Louis Barthou ou encore, pendant quelque temps, Jean Jaurès, natif de Castres dans le Tarn.
- Photographie originale (format cabinet). Portrait en buste [vers 1900]. Épreuve argentique contrecollée sur carton fort de la Collection Pierre Petit, verso imprimé au nom du photographe, avec cachet des éditeurs A.C. Campagne et C. de Lacam, 180 rue de Rivoli.
Natif de Paris mais ayant grandi à Toulouse, le graveur et peintre orientaliste Benjamin-Constant (1845-1902) resta toujours très attaché à sa région d’adoption, fréquentant les méridionaux et les félibres établis à Paris, leur rendant hommage dans les discours qu’il prononçait lors des banquets de la Cigale, association célébrant la langue d’oc et les richesses de la Provence.
Timbre humide "EL" pour Edmond Laporte sur la lettre à lui adressée.
Collection américaine.
Correspondance, Pléiade :
- III, p. 7 (une phrase du post-scriptum manquante) ; voir aussi édition en ligne : https://flaubert.univ-rouen.fr/correspondance/correspondance/18-janvier-1859-de-gustave-flaubert-%C3%A0-ernest-feydeau/
- V, p. 350 ; voir aussi édition en ligne : https://flaubert.univ-rouen.fr/correspondance/correspondance/19-janvier-1878-de-gustave-flaubert-%C3%A0-edmond-laporte/?year=1878&person_id=83
Lettre à Feydeau
[Croisset, 18 janvier 1859.] mardi soir.
Mon bon,
J’ai d’abord parcouru, puis lu la première partie de Daniel. Je la sais par cœur, au point de finir les phrases. Néanmoins le tout m’a paru plus court, ce qui est excellent ; je présume très bien du reste. Quant aux détails je n’en vois pas trois à changer même en y regardant minutieusement. Marche de l’avant et ne t’inquiète plus de rien, quant à ce qui est fait. Merci, encore une fois, mon vieux, de la dédicace.
Voilà quatre jours que je suis à refaire le plan de la fin d’une scène ! Nous bûchons comme des nègres. Le sieur Bouilhet te fait mille tendresses et te remercie pour la Revue contemporaine. Il importe en effet que ses vers y paraissent le plus tôt possible car il se propose de publier vers le milieu du mois prochain. Ledit sieur a été deux fois chez toi sans te trouver. Il ne veut pas lire ton roman dans la revue parce que tout journal échigne un livre, résolution vertueuse dans laquelle je l’ai confirmé. Il m’a même défendu de lui en parler parce qu’il se réserve pour jouir.
Il faut que nous soyons bien abasourdis par la littérature car nous ne disons presque pas d’ordures. Décadence !
Adieu, vieux lubrique, on t’embrasse. Gve Flaubert
J’ai eu des nouvelles de Me Feydeau ce matin par ma mère.
Connais-tu une demoiselle Strub (Florence), auteur d’un roman intitulé L’Hermite de Vallombreuse ? c’est une Allemande. Réponds-moi à cette question et n’en souffle pas un mot parce qu’il y a une parole d’honneur d’engagée. Ce n’est qu’une hypothèse, mais il peut y avoir là quelque machination contre toi, moi ou Bouilhet. Il est probable que ce n’est rien du tout ???".
Lettre à Laporte.
"[Paris, 19 janvier 1878.] samedi
Pas de nouvelles de Bardou [sic], mais je lui écris immédiatement pr lui demander quel jour il veut venir diner chez moi.
Si je n’ai pas de réponse lundi soir, j’irai mardi au ministère. & n’ayez pas peur, mon vieux Bab, je le talonnerai.
Hier j’ai diné chez Charpentier avec Gambetta. Et nous sommes maintenant très amis. Nous avons eu ensemble une conférence particulière. Encore trois pareilles & nous nous tutoyons ! (sic.)
Avant tout, il faut que mon bon Laporte ait une place chic ! J’y arriverai.
Le duc d’Angoulême m’abrutit complètement. Je deviens lui.
Adieu, vieux. Bon espoir.
Je vous embrasse. Gve Flaubert".
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