View full screen - View 1 of Lot 33. Les Nourritures terrestres. Paris, 1897. In-12. Reliure de Loutrel.  Édition originale. Un des 5 exemplaires de tête sur Japon. Précieux exemplaire sur japon enrichi d’un bel envoi à Madame Henry Lerolle..

XIXe siècle (lots 30-58)

Gide, André

Les Nourritures terrestres. Paris, 1897. In-12. Reliure de Loutrel. Édition originale. Un des 5 exemplaires de tête sur Japon. Précieux exemplaire sur japon enrichi d’un bel envoi à Madame Henry Lerolle.

Lot closes

June 18, 12:33 PM GMT

Estimate

20,000 - 30,000 EUR

Starting Bid

20,000 EUR

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Lot Details

Description

Gide, André

Les Nourritures terrestres.

Paris, Mercure de France, 1897.

 

In-12 (182 x 120 mm). Maroquin havane janséniste, dos à nerfs, titre doré, doublures de maroquin vert serties d’un filet doré et encadrées de maroquin havane, gardes de papier satiné prune, tranches dorées sur témoins. Chemise et étui (Loutrel).

 

Précieux exemplaire de tête sur Japon enrichi d’un bel envoi à Madame Henry Lerolle.


Édition originale. 

Un des [5] exemplaires de tête sur Japon, non numéroté, avant 12 exemplaires sur Hollande van Gelder, seuls grands papiers.

 

Exemplaire enrichi d’un envoi autographe signé à l’encre noire sur le faux-titre :

"A Madame Henry Lerolle,

hommage respectueux d’un livre qui ne l’est pas.

André Gide."

 

Gide n’avait que vingt-cinq ans lorsqu’il débuta l’écriture de cet ouvrage singulier, mêlant poèmes en prose, ballades et rondes, extraits de carnets de voyage, dialogues... Deux extraits furent publiés dans une revue en 1896, mais, à sa sortie, l’année suivante, le livre tranchait si radicalement dans la production littérature de l’époque qu’il déconcerta même les amis les plus proches de l’écrivain.

 

Surgi à l’apogée du symbolisme qui atteignait alors des sommets de raffinement, Les Nourritures terrestres proposait une philosophie de l’instinct et de la nature, contre toute artificialité. Bien au-delà de l’histoire littéraire, son importance va profondément bousculer les mentalités. Dans une société rigide dont le système éducatif visait à ancrer dans les esprits ses valeurs fondamentales telles que le mariage, l’argent et la patrie, André Gide lançait une sorte d’anti-manuel pédagogique, fondé sur une mystique de la sensation, l’apprentissage par la vie nomade, le dénuement, le contact avec l’herbe, l’eau, les fruits, le corps désiré, et toutes les "nourritures" dont on peut jouir sur cette terre.

L’écrivain s’adresse à un garçon, Nathanaël, sans doute en souvenir du jeune Athman rencontré en Algérie durant son voyage de 1895. Il l’exhorte à rejeter tout conformisme, à bannir les carcans familiaux et sociaux, mais aussi à se remettre sans cesse en question, à rester à l’écoute de son désir et de la vérité profonde de son être et enfin à savoir reconnaître le divin à chaque instant de la vie terrestre.

 

Défiant envers ce qu’on nomme traditionnellement "éducation", Gide n’a aucune prétention de maître à penser. Il se refuse à exercer quelque autorité sur son lecteur et l’enjoint à jeter ou détruire le livre après l’avoir lu : "Nathanaël, brûle ce livre !"

 

Dans cet hymne à la liberté et à l’émancipation tant intellectuelle que physique, Gide lance son célèbre "Familles, je vous hais !" qui allait attiser pour longtemps les révoltes adolescentes. Portées par un souffle panthéiste et des images d’une sensualité lancinante, Les Nourritures terrestres sont devenues un bréviaire de la jeunesse, sans cesse redécouvert de génération en génération. Apologie du voyage, de l’évasion, et surtout de l’amour délivré des barrières morales, il annonce les grands textes subversifs du surréalisme (comme le "Lâchez tout", d’André Breton), et même les mouvements de libération des années 60. Son écriture magnifique, d’une insolente fraîcheur, n’a rien perdu de son intensité et continue à nous toucher. Aussi la formule de l’envoi qualifiant le livre d’irrespectueux se trouve-t-elle parfaitement justifiée

 

Madame Henry Lerolle (1856-1937), née Madeleine Escudier, était l’épouse du peintre, musicien et grand collectionneur (1848-1929), ami de Degas, Renoir, Debussy. On connaît d’elle de nombreux portraits : de Henry Lerolle bien sûr, dont le Portrait de Madame Henry Lerolle, née Madeleine Escudier et La Répétition à l’orgue (Metropolitan Museum), où Madeleine pose entre ses deux sœurs ; ainsi que d’Albert Besnard (Madame Henry Lerolle et sa fille Yvonne) et de Henri Fantin-Latour (Portrait de Madame Henry Lerolle) tous deux conservés au musée de Cleveland. On possède également sa photographie par Edgar Degas.

 

Le journal de Gide témoigne de leur relation étroite à l'époque de la publication des Nourritures : "Chez les Lerolle. Accueil délicieux" (27 novembre 1896) ; "Dîner chez les Lerolle avec Denis et Rouart. joué avec Lerolle et Mme Lerolle du Bach. " (5 décembre 1896) : "Nous allons chez Lerolle pour qu’il nous mène à sa chapelle de l’hôpital. […] Le soir dîner Lerolle avec les Chausson et les Fontaine." (8 décembre 1896). En juillet et août 1897, les Gide reçoivent à La Roque les Henry Lerolle et leurs enfants et c'est probablement à cette occasion qu'il offrit cet exemplaire à Madeleine Lerolle.

 

Un lien particulier unit en outre la famille Lerolle à André Gide. En effet, les deux filles du couple épousèrent deux des fils d’Henri Rouart, Eugène et Louis. Eugène Rouart était depuis 1893 l’un des plus proches amis d’André Gide, qui lui dédia Paludes. Dans sa trilogie L’École des femmes, Robert, Geneviève, il s’inspirera des relations entre Eugène Rouart et son épouse.

 

La justification du tirage annonce trois exemplaires sur Japon, numérotés de 1 à 3. Ceux-ci sont en réalité au nombre de cinq, dont deux non numérotés. On connaît en effet :

-      L’exemplaire n° 1, relié en maroquin grenat par Mercier (catalogue Blaizot, mars 1968).

-      L’exemplaire n° 2 (bibliothèque Louis de la Rivière, Drouot, 18 novembre 1968). Originellement relié par Berthe van Regemorter et a été par la suite re-relié par Miguet (maroquin bleu turquoise). Il a figuré à la vente de la collection littéraire Pierre Leroy (Sotheby’s 26 juin 2002, n° 220). Il ne porte pas d’envoi.

-      L’exemplaire n° 3, de la bibliothèque de Michel Bolloré (Drouot, 11 février 1954) en cartonnage de l’époque, acquis par Arnold Naville qui le fit relier par Paul Bonet. Il passa ensuite dans la bibliothèque de François Ragazzoni (Tajan, 13 & 14 mai 2003, n° 115). Il a été enrichi d’une lettre et d’un poème autographes, mais il ne porte pas d’envoi.

-      Le premier exemplaire non justifié, relié par Mercier, est passé par les bibliothèques Simonson, puis Robert Moureau. Il ne porte pas d’envoi. (Pierre Bergé & associés, décembre 2004).

-      Le présent exemplaire provient de la bibliothèque Jan van Haelen.

Madame Henry Lerolle (envoi).


Jan van Haelen (vente du 16 novembre 1963).

Naville XI.

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