8 lettres autographes signées à divers correspondants dont 6 Lucien Descaves, 1933-1948.
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Description
Céline, Louis Ferdinand
8 lettres autographes signées, dont 6 inédites à Lucien Descaves.
26 pages in-folio ou in-4, dont une sur feuillet d’ordonnance du Dispensaire de Clichy, un en-tête de l’hôtel Frascati au Havre, 3 enveloppes.
Où il est notamment question du Voyage au bout de la nuit, de Mort à crédit, de Guignol’s Band et de Casse-pipe.
[1]. 6 lettres à Lucien Descaves.
Ces lettres sont inédites.
- Le 4 [mars 1933 ?]. Céline refuse catégoriquement une invitation, épuisé par les remous provoqués par Le Voyage. "Tous ces refus épuisent, agacent, vexent bien inutilement. Je suis écrasé de parlottes indispensables. Parler encore ? A quoi bon ? Tout ceci est vain et vide. […] Et qu’on m’oublie. Sauf vous bien entendu".
Lettres, Pléiade, n° 33-28.
- [Début mars 1933]. Il est navré de la défection de son correspondant. "J’irai vous voir la semaine prochaine après le Renaudot. Les Galeries [Lafayette] m’ont fait offrir 1000 fr. par heure pour signer mon machin chez elles ! Je fais un article unique, le premier, le dernier dans Candide (jeudi en 8) sur le Voyage. Voici les nouvelles". Le 15 mars 1933, était organisé un déjeuner réunissant les jurés du Prix Renaudot (obtenu par Le Voyage au bout de la nuit en octobre 1932) et les deux derniers lauréats du prix. Le 16 mars, paraissait dans Candide l’article de Céline, intitulé "Qu’on s’explique", que Denoël réédita sous forme de plaquette conçue comme une "postface" au Voyage. Quant au "machin" évoqué dans cette lettre, il s’agit de 31, Cité d'Antin, texte devant servir de préface à l’album illustré de reproductions des fresques réalisées par son ami Henri Mahé pour décorer une maison close, et dont une édition de luxe avait été commanditée par le directeur des Galeries Lafayette.
- [Le Havre, septembre 1936]. Céline est de retour d'un bref séjour en Russie. "Quel voyage ! J’espère que vous allez tous bien. J’ai mille choses à vous raconter. Vous aussi sans doute". C’est après ces quelques semaines en Union Soviétique que l’écrivain publiera en décembre 1936 Mea Culpa, bref et implacable pamphlet contre le communisme.
- [Octobre 1936]. À propos d’un article virulent sur Mort à crédit, paru dans le journal satirique Le Merle blanc du 26 septembre 1936, signé d’un certain Jean Etcheverry qui y traite l’écrivain de salope et de médicastre syphiligraphe, appelant à supprimer l'écrivain. "Il me semble difficile d’aller plus loin. Un franc appel au meurtre ! Je crois détenir maintenant le record de la haine (droite et gauche)".
- [Copenhague] 10 mars [1947]. Lettre écrite de sa prison danoise, évoquant les maltraitances qu’ont également subis sa pauvre Lucette et le chat Bébert, lui-même se considérant comme un Déroulède en exil. Ce qui lui rendrait un immense service, c’est que des articles apprennent aux Français combien d’écrivains ont été proscrits, exilés, condamnés : "la liste est longue ! A deux pas d’ici Descartes en Suède, fuyant le bûcher. […] Si l’on a dit justement que la guerre était l’industrie nationale de la Prusse, on peut dire que la chasse à courre à l’écrivain est le sport national des Français. Vraiment rien de nouveau. […] Nous avons été si menacés, si traqués, si martyrisés tous les 3 que notre pauvre Bébert a pris la valeur d’une espèce de petit dieu de la vie, de la survie. Et il est vieux en plus ! 16 ans ! C’était le chat du malheureux Le Vigan […] le chat de tous les drames : intimes et cosmiques ! Il est né à la Samaritaine, Lucette en l’île St Louis, et moi Rampe du Pont, Courbevoie ! (Comme Arletty). En voilà des potins".
- Copenhague 2 juin [1947]. Son hôte, Thorwald Mikkelsen, est à Paris pour conférer avec ses avocats français : "Qu’en sortira-t-il ? Sans doute l’on me recommandera encore de me taire chut ! chutt ! Que le temps fait son œuvre… Le temps fait son œuvre admirablement pour Montherlant (glorieux comme la rose), Guitry, Chardonne, Claudel (de l’éloge à Pétain), Giono et mille autres Turcarets fournisseurs des armées allemandes […] Ils sont des centaines vous le pensez bien qui ont un immense intérêt à mon enterrement virtuel, à mon exil indéfini. Si je commençais moi à raconter des choses ! J’aurais quoi faire gondoler 100 Parquets pendant un siècle ! Pourquoi moi suis-je justiciable de l’article 75 lorsque Montherlant qui a cent fois plus collaboré que moi et Chardonne et La Varende, et cent autres rigolent sans entraves ?". Il a hâte de pouvoir s’expliquer et de ne plus se taire. "En attendant les Soviets viennent de supprimer la peine de mort cependant que les Français ne cessent de rabâcher radoter haine et sang. Et pourtant les Soviets ont fait eux la guerre, pas la chienlit maquis ! La France de Voltaire, de Victor Hugo, de Lamartine, de Descartes en est à recevoir des leçons de grandeur d’humanité des Soviets ! Honte, archi-honte ! Nous n’avons plus de journalistes dignes de ce nom pour faire valoir cette énormité, plus que de petits larbins de plumes conformistes et apeurés. Où sont nos Veuillot, nos Rochefort ! et même nos Séverine ! Quelle décadence !".
[2]. Lettre à Théophile Briant. [Paris, 12 mai ? 1944].
Céline s'adresse à son "cher Prodigieux", le poète breton Théophile Briant, à Paramé, peu de temps après la parution de Guignol’s Band, et décrit les destructions causées par l'explosion accidentelle d’une substance "intenable" qui a réduit "en DÉSERT au raz du sol en poudre pompéienne un carré de 6 kil. de maisons de 6 étages – vaporisés. Il paraît que le site est prodigieux. On marche dans une poussière antique, comme à Palmyre (12 grand-mères par cuiller à soupe). On l’appellera le NAPU d’après le conte de Daudet ou la Pompéienne. Le patiné de désert est inimitable. Ça y est ! L’Apocalypse cette fois est mobilisé véritablement. Le Napu va détruire la terre. Jusqu’ici nous n’avons connu que l’artillerie Bouvines. Tout va changer. Et comme les Anglais en feront autant…". Puis il répond à la critique admirable de son ami sur Guignol’s Band : "Tu sens tout, tu vibres à tout, tu pénètres tout – en tout. […] La préface, tu as raison dans un sens, détourne un peu MAIS à l’expérience j’ai appris que la réserve […] et le détachement ne faisaient qu’encourager l’arrogance, l’impertinence et la muflerie des adversaires qui deviennent dès lors malfaisants au délire. Un bon coup de pied dans le cul pour commencer donne tout de suite aux articles un ton de scrupule et de bonne compagnie qui plait au travailleur".
[3]. Lettre à Jean-Gabriel Daragnès. 2 mars [1948].
Longue lettre d’exil alors que Paulhan s’apprête à publier dans les Cahiers de la Pléiade quelques fragments de Casse-pipe, que Sorlot doit éditer le ballet Foudres et flèches, et que Céline vient de rédiger une lettre ouverte à Jean-Paul Sartre [L’Agité du bocal qui sera publié par Paraz dans Le Gala des Vaches en novembre 1948, en réponse à un article des Temps Modernes dans lequel Sartre l’accusait d’avoir été payé par les Allemands]. "Tu parles que Paulhan ne tient pas publier la réponse à Sartre (ci-jointe, que tu peux garder et faire lire). Il en était le bougre des T.N ! [sic, pour Temps "Nouveaux" au lieu de Modernes] au moment où parut cette canaillerie ! Sartre s’est fait en ce moment le Grand Paladin du Juif en Palestine, du Juif Partout ! C’est sa manière de larbiner. Il n’était pas si paladin sous la botte, quand il me léchait le cul, et d’autre part celui des Fritz !". Céline attend avec impatience ce que va lui rapporter Foudres et Flèches : "Le boulot n’est pas en vitriol. Je n’aime pas tant que ça le vitriol. De temps en temps un peu de guimauve repose. J’ai assez payé foutre pour le vitriol ! J’en tiens usine de vitriol ! Et puis à voir les nases et les fiotes qui sont dans les bois pendant que je crève dans les glaces, je me dis que le vitriol ne paye guère… Non que Sorlot tire en vitesse Foudres mouillées… qu’on déclare partout que je suis prêchi-gâteux fini croulant descaveux… Mais que le fric afflue… Je veux finir en Bibliothèque rose… Merde pour l’Institut dentaire ! (âge de Caïn)". Il se plaint de l’inaction de Naud, évoque le peu que peut faire la pauvre Marie Canavaggia. L’écriture de Féerie pour une autre fois lui donne du souci : "C’est en m’abrutissant sur Guignol’s que je suis demeuré comme un sale con à ma table au lieu de filer en Espagne ! Je fais gaffe ce coup-ci". Enfin, il parle des quatre dernières années atroces qu’il vient de vivre avec Lucette, "on crève petit à petit", et s’acharne sur l’ambassadeur de France à Copenhague, Girard de Charbonnière, qui s’offre des leçons de culture physique et loge sa maîtresse à l’ambassade aux frais du contribuable français, alors que la France maltraite ses écrivains, ses mutilés, et pourchasse ses proscrits.
Lettres, Pléiade, n° 48-23.
[On joint :]
Copie tapuscrite de la lettre de Céline du 14 janvier 1933 à François Mauriac, le remerciant de son témoignage de bienveillance et de spirituelle sympathie. Mais "Rien cependant ne nous rapproche […] Vous appartenez à une autre espèce, vous voyez d’autres gens, vous entendez d’autres voix. Pour moi, simplet, Dieu c’est un truc pour penser mieux à soi-même et pur ne pas pense aux hommes, pour déserter en somme superbement. Je suis écrasé par la vie, je veux qu’on le sache avant d’en crever, le reste je m’en fous, je n’ai que l’ambition d’une mort peu douloureuse mais bien lucide et tout le reste c’est du yoyo".
Lettres, Pléiade, n° 33-8.
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