View full screen - View 1 of Lot 63. Journal. 1er janvier-22 février 1943. Manuscrit autographe. Exceptionnel manuscrit d’un des nombreux carnets du célèbre Journal d’André Gide, le seul en mains privées..

De la collection Pierre Amrouche et Suzanne Amrouche-Molbert (lots 59-81)

Gide, André

Journal. 1er janvier-22 février 1943. Manuscrit autographe. Exceptionnel manuscrit d’un des nombreux carnets du célèbre Journal d’André Gide, le seul en mains privées.

Lot closes

June 18, 01:03 PM GMT

Estimate

30,000 - 50,000 EUR

Starting Bid

30,000 EUR

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Lot Details

Description

Gide, André

Journal.

Janvier-février 1943.

 

In-12 (228 x 135 mm). Manuscrit autographe. 87 pages tête-bêche. Encre sur papier ligné. Carnet à couverture cartonnée, dos de percaline bleue, titre autographe à l’encre brune sur le premier plat "Journal. Janvier-février 1943".


 "La partie qui se joue ici est trop captivante, et mon sort est lié à ceux de ces nouveaux amis dont je partage la vie depuis plus de six mois " (20 janvier 1943).

 

Deux mois de la campagne de Tunisie vus par André Gide.

 

Précieux manuscrit d’un des nombreux carnets du célèbre Journal d’André Gide : le seul en mains privées.

 

Envoi autographe d’André Gide à Jean et Suzanne Amrouche : "Chers amis Jean et Suzanne Amrouche qui m’avez si bien accueilli, dont l’amitié m’a si intelligemment et si constamment soutenu tout le long de ce temps d’épreuve, j’ai plaisir de vous laisser ce carnet, en témoignage de ma très affectueuse reconnaissance. Tunis, 25 mai 1943."

 

Poète, journaliste littéraire et homme de radio, Jean Amrouche (1906-1962) confesse avoir été bouleversé par la lecture de L’Immoraliste. "C’était comme la fulguration de l’éclair" écrit-t-il à Gide le 11 novembre 1928. Cette lettre est la première d’une abondante correspondance qui s’achèvera le 23 décembre 1950 (voir lot 33).

 

En 1942, Gide quitta la France pour l’Afrique du Nord et arrive à Tunis le 6 mai. Il y rencontre enfin Jean Amrouche, avec lequel il entretenait, depuis 1928, une relation épistolaire, ainsi que sa femme Suzanne. Jean Amrouche rapporte : "Avec quelle fièvre, au printemps dernier, nous attendions, à Tunis, l’auteur des Nourritures, de Paludes, de L’Immoraliste, et de ce Mopsus qui nous révéla la beauté de la lumière africaine ! Les jeunes gens le guettaient dans les rues ; à l’affût dans une encoignure" (André Gide à Tunis, "Jeunesse vaincra", Rabat, 20 juin 1943, cité par P. Masson et G. Dugas, p 301).

 

En juin 1943, les Amrouche rejoignent Gide à Alger. Jean Amrouche et André Gide se voient presque tous les jours. Ils partagent d’interminable parties d’échecs. En 1943, Jean Amrouche fonde, avec André Gide et Jacques Lassaigne, la revue L’Arche.

 

Ces petits carnets que Gide, depuis 1887, noircit presque quotidiennement constituent une "œuvre instantanée" d’une insigne importance. "Le contexte d’écriture fait du Journal une œuvre de terrain une œuvre qui naît à bord (M. Sagaert, La Pléiade, p. 1129).


Tous les carnets sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Celui-ci, offert par Gide à Jean et Suzanne Amrouche, est le seul encore en mains privées.

Une copie, réalisée par Suzanne Amrouche, se trouve également à Doucet.

 

Ce manuscrit présente de nombreux ajouts interlinéaires et biffures ainsi que quelques variantes par rapport à la version publiée.

Ces variantes ont été relevées (Carnet 74 bis, gamma 1642) par Martine Sagaert dans l’édition de La Pléiade.

Gide écrit sur la page de droite puis retourne le carnet afin de poursuivre sur les pages de gauche.


"Les pages que Gide consacre à l’occupation tunisienne constituent la section la plus journalistique de son Journal [...]" (Jocelyn van Tuyl, André Gide et la Seconde guerre mondiale. Lyon, Presses universitaires, 2017, p. 147-180).

 

De juin 1942 à mai 1943 : Gide séjourne chez Théo et Marthe Reymond de Gentile dans leur villa de Sidi Bou Saïd, puis dans leur appartement de l’avenue Roustan. L’architecte et l’ophtalmologue vivent avec leurs enfants, Suzy et François, ainsi que la grand’mère, dite Chacha.

 

Aux désagréments de la vie quotidienne, coupures d’électricité, d’eau et de gaz, pénuries de denrées alimentaires et de tabac, "toujours la même soupe de fèves", hausse des prix, queues interminables devant les boutiques, etc., inévitables conséquences de la guerre, se mêlent les événements politiques que Gide suit avec attention.


Assoiffé d’information, il écoute assidument les bulletins radio en français, en anglais, en italien et en allemand. "Je me penche, confie-t-il le 16 janvier, jusqu’à six fois par jour sur la radio avec cette enfantine illusion que l’excès de mon attention va pouvoir faire avancer les évènements".

Il dénonce, le 3 janvier, "l’absence de mordant de l’armée américaine" et évoque, quelques jours plus tard, "la battue en retrait américaine aux environs de Tebourda" (12 janvier). Le 16 janvier, il fait part de son inquiétude : "Plus de bombardements. Que font les Américains ? On attend, on s’impatiente ; on est déçu. La grande offensive annoncée est-elle remise à plus tard, ou a-t-elle échoué comme l’avance sur Tebourda ? […] Cette offensive tant escomptée, je m’attends à présent à ce que ce soient les Allemands qui la risquent, et qui repoussent les forces américaines au-delà de Bône […]." Au fil des pages, se faisant "l’écho de tous les bruits qui circulent", il égrène les informations : l’avancée de la colonne Leclerc (18 janvier), le "massacre d’avions allemands" sur l’aérodrome d’El-Aouina (30 janvier), "L’écrasement de l’armée allemande à Stalingrad, après une héroïque et vaine résistance" (4 février), le découragement des Allemands et "leur rancune contre les Italiens", la reprise de Koursk (8 février) et la prise de Rostov par les Russes (16 février).

 

Si l’actualité l’occupe et le préoccupe, chaque soir il tâche de lire, souvent à "la lueur insuffisante d’une bougie" et malgré ses yeux fatigués. Jean Amrouche note qu’il "travaillait sans relâche à son Journal, à son anthologie, entreprenant d’immenses lectures, car rien ne saurait assouvir sa soif de connaissance" (André Gide à Tunis, "Jeunesse vaincra", Rabat, 20 juin 1943, cité par P. Masson et G. Dugas, p. 303). En ce début d’année 1943, il abandonne L’Œuvre qu’il juge "le plus mauvais des Zola" mais relit La Guerre de Troie n’aura pas lieu qu’il qualifie de "ballet de sophismes" (2 janvier) et l’Achilleis de Goethe dont il souligne les "admirables sentences" (17 janvier). Début février il achève le Rasselas de Johnson avant de se plonger dans Boswell, "incontestablement supérieur à Eckermann". "Ces treize cents pages se lisent sans presque aucun moment de fatigue" (17 février). Il reprend aussi les Odes de Keats, lit les trois Unpleasant Plays de Shaw, etc. Le 19 février, Gide se replonge dans la préface de son Anthologie de la poésie française.

 

Sa vie chez les Reymond de Gentile est toute entière centrée autour leur fils François (Victor dans la version publiée mais dont le véritable prénom est ici conservé) dont il brosse un portrait impitoyable. "Son égoïsme est déclaré, résolu, cynique ; il en fait profession. L’eussé-je connu plus tôt, j’aurais enrichi de ses traits le Strouvilhou de mes Faux-Monnayeurs" (9 janvier). "Constamment observé, le jeune garçon devient une matière inépuisable […] Il représente à la fois le cynique, le menteur, l’avare et le sans-gêne" (M. Sagaert, La Pléiade, p. XXIII). En février, il tente d’aller au Tunisia-Palace pour échapper à la mauvaise humeur et aux insolences de l’adolescent mais Chacha le retient (20 février).


Quelques années plus tard, en 1950, Jean Amrouche transmet à Gide une copie du récit de  François Reymond de Gentile en réponse aux propos peu amènes rapportés par Gide dans son Journal (voir lot 33). L’écrivain affirme n’avoir rien tenté pour alarmer le garçon et n’avoir jamais "bramé" après quelqu’un, redonnant sa propre version des faits qui lui sont reprochés. Quelques mois après la mort d’André Gide, François Reymond de Gentile publiera, en décembre 1951, sous le pseudonyme de François Desrais, L’Envers du Journal de Gide.

 

Malgré tout ce qui se passe autour de lui, André Gide se sent seul et aspire à "quelque présence amicale" pour lui "réchauffer le cœur ". Il pense alors à Maria van Rysselberghe et à sa fille Élisabeth, mère de Catherine Gide, à Dorothée Bussy et bien entendu à sa fille Catherine (3 janvier). Il s’inquiète du genou de Maria, des reins de Roger Martin du Gard. "Vivent-ils seulement encore ? " s’interroge-t-il avec anxiété à propos de ses amis le 8 janvier. Mais il se résigne et refuse de regagner la France. Il confesse que son "sort est lié à ses nouveaux amis " (20 janvier).

Le 11 janvier, à la suite d’un déjeuner arrosé, il se laisse à penser à Madeleine, sa femme morte en 1938. "Tout ce qu’elle attendait de moi, et que je n’ai pas su lui offrir ; que dis – je, qui lui était dû… certains jours j’y pense sans cesse. Ah ! si l’âme est, ainsi que tu souhaitais m’en convaincre, immortelle, et si la tienne porte encore sur moi son regard, que ce soit pour savoir que je me sens envers toi en état de dette éternelle […]." Il confie également prendre "de moins en moins plaisir à la conversation" et avoue : "je ne vaux que devant le papier blanc" (29 janvier).

 

Malgré la morosité et la solitude qu’il ressent, Gide fréquente, à Tunis, de nombreuses personnes. Parmi elles, maître Cattan et sa femme, qui le reçoivent notamment à déjeuner le 10 janvier et dont il vante le repas pantagruélique, le docteur Ragu, qui tente de soigner ses prurits avec "un dévouement habile", M. Amphoux, voisin des Reymond de Gentile et Gérard Boutelleau, une connaissance.

 

Ce précieux carnet s’achève le 22 février. Le même jour, il en commence un nouveau, aujourd’hui conservé à la bibliothèque littéraire Jacques Doucet : "La relecture de mon journal depuis le 1er janvier dernier, me laisse assez découragé. Tout ce que j'écrivais dans cet autre carnet que j'achevais hier de remplir me paraît inutile et médiocre ; je ne puis me féliciter de m'être contraint d’y écrire chaque jour. C’est par quoi ce dernier carnet diffère des précédents, que je n’ouvrais que par intermittences et lorsque l’esprit m’y poussait. Ce dernier carnet devenant pour moi la bouée où le naufragé se raccroche. L’on y sent cet effort quotidien pour se maintenir à flot".


À la suite de l’arrestation pour espionnage de Gérard Boutelleau, André Gide quitte les Reymond de Gentile en avril 1943 et se réfugie chez Odette Duché.


Quelques extraits du journal :

 

- 1er janvier, Tunis.

"Pas d’électricité. Nous dînons dès six heures, car le gaz est également coupé tandis que nous nous mettons à table à la clarté d’une chandelle. De nouvelles bombes sont tombées sur Tunis, à midi et à cinq heures ; les effets des explosions sont effarants. Jean Tournier était occupé, avec une équipe de jeunes gens, ces derniers matins, à extraire les cadavres et les blessés de dessous les décombres d’un pâté de maisons de la ville arabe, anéantie, au début de la semaine par trois bombes. Elles ont fait quatre cents victimes. On n’a pu secourir à temps celles qui, bloquées dans les caves, appelaient à l’aide ["au secours" dans la version publiée]. Et l’on continue à sortir des grappes de cadavres déjà puants […]."

 

3 janvier.

"[…] je ne peux consigner ici l’écho de tous les bruits qui circulent. Ce qui se répète surtout c’est que les Américains, dimanche dernier, étaient sur le point d’entrer à Tunis. Une avancée très importante de chars d’assaut aurait été mise en déroute par une poignée de motocyclistes allemands partis à leur rencontre et qu’ils ont pu croire avant-coureurs des forces de la résistance" ["d’importantes forces de la résistance" dans la version publiée] […] Dans les suppositions, l’on patauge. Le certain c’est que l’œuf est à 20 francs ; que le paquet de cigarettes est porté à 18 francs, la boîte d’allumettes à 0,75 et que j’ai payé hier 6 francs les cents grammes d’amandes non décortiquées (marché noir) [ce passage biffé n’a pas été repris dans la version publiée].

 

- 8 janvier.

"[…] Dans les rues de Tunis, où j’erre sans but, quelle humanité misérable ! Pas un visage où réjouir un peu son regard. Hommes et femmes, tant Italiens qu’Arabes, soucieux, comme flétris, misérables, dont beaucoup, vers le soir, portent valises, couffins, matelas et couvertures pour le campement de la nuit […]."

 

-12 janvier

"Confirmation par de nouveaux témoins oculaires de la battue en retraite américaine aux environs de Tebourba (dans la forêt de Mayana), devant de très faibles forces allemandes lancées à leur rencontre. L’importante file des chars américains a été abandonnée […]."

 

-17 janvier.

"[…] Beaucoup lu, ces derniers temps, malgré la fatigue de mes yeux. Mais mon cerveau ne reçoit plus que des impressions peu durables ; il semble que plus rien ne s’y puisse graver fortement […]"

 

- 18 janvier.

"[…] Les Russes ont repris Millerovo ; sur un immense front, forcent à la retraite ou encerclent les Allemands et les Roumains. La huitième armée anglaise refoule en Tripolitaine l’armée de Rommel. L’avance du général Leclerc conquiert toute la région du Fezzan. […]". Une phrase publiée, à la fin de cette journée, ne figure pas dans le manuscrit ("C’est ce que chacun ici se demande et qui fait l’objet de toutes les conversations").

 

- 23 janvier.

"[…] Les Amrouche étaient sur le point de venir partager ma résidence en occupant la chambre vide de Mme R ; mais, au dernier moment, ils ont été requis par le collège de Radès […]." 

 

- 24 janvier.

"[…] des dépôts de carburant avaient pris feu, répandant sur une immense étendue d’horizon, une épaisse fumée à l’abri de laquelle les avions (anglais et non américains, dit-on), purent descendre très bas et parachever leur travail.  On parle d’au moins quinze avions allemands ou italiens détruits, qui venaient d’apporter des renforts de Sicile ["détruits au sol où ils venaient de se poser, apportant des renforts de Sicile" dans la version publiée] […] Seuls les faits très importants ["apparents" dans la version publiée], les reprises des villes comme Tripoli, Salzk, Armavir ou Millerovo, restent à l’abri du doute […]."

 

- 29 janvier.

"[…] Je ne puis croire que l’art de demain se complaise dans le raffinement, la subtilité et la complication. Cette guerre aura sans doute pour effet d’arracher l’art au réalisme. Le reportage, qu’on exigera le plus documentaire possible, délivrera la littérature, de même que la photographie a pu délivrer la peinture, par une sorte de ‘catharsis’ […]."

 

- 30 janvier;

"[…] Ah ! que cette séparation de ceux que j’aime me paraît dure certains jours ! Que cette attente est longue ! Puis-je même espérer de les revoir tous ? Si tant est que, par-delà cette traversée de la guerre, je sois moi-même encore en vie… Quels soins je prends pour me conserver à eux jusqu’à ce jour ! […]."

 

-3 février.

"[…] La radio de Londres parle de deux navires coulés dans le port de Tunis et de docks incendiés par le bombardement d’avant-hier. En vérité, aucun navire n’a été touché et ce bombardement inefficace n’a mis le feu qu’à un vieux baraquement sans emploi […]."

 

- 4 février.

"Le 2 février s’achève l’écrasement de l’armée allemande à Stalingrad après une héroïque et vaine résistance. Quelles purent être les souffrances de ces soldats sacrifiés, n’ayant même plus cet espoir que leur mort puisse aider la victoire ? Qu’ont-ils pu penser de l’hitlérisme et de Hitler, durant leur agonie ? Mais qu’est-ce qu’en pense Hitler lui-même ? […]"

 

- 8 février.

"Mes rêves sont souvent auditifs, autant que visuels ; mais il m’arrive aussi de rêver que je lis des phrases ; elles se forment en mon esprit comme à mon insu, semble-t-il, puisque j’ai l’impression de les découvrir ; elles me surprennent. Quelle curieuse comédie l’on se joue ainsi à soi-même, fournissant la matière et tout de même aussi l’étonnement […]"

 

- 10 février.

"[…] Triste besoin d'injurier, de ravilir son adversaire ; besoin commun également aux deux partis et qui fait que j'écoute parfois si péniblement les émissions de la radio, tant celles de Londres et de l’Amérique que celle de Berlin ou de Paris-Vichy […]".

 

- 13 février.

".[…] Il y a, et il y aura toujours, en France (sinon sous la pressante menace d’un danger commun) division et partis ; c’est-à-dire dialogue. Grâce à quoi, le bel équilibre de notre culture ; équilibre dans la diversité. Toujours en regard d’un Pascal, un Montaigne ; et, de nos jours, en face d’un Claudel, un Valéry […]".

 

- 15 février.

"[…] Je m’astreins à écrire chaque jour quelques lignes dans ce carnet, par exercice spirituel ; éprouvant, comme pour la prière, qu’elle n’est jamais plus utile qu’en temps de sécheresse de cœur […]".

 

- 17 février.

"[…] Je ne puis partager la confiance de certains qui croient que les Allemands vont se retirer de. Tunis sans combattre, que la résistance se dressera en deçà ou au-delà de cette ville qu’on dit indéfendable et que Bizerte et non Tunis sera l’enjeu des durs combats que l’on prévoit […]".

 

- 20 février.

"[…] L’armée américaine s’est repliée, a fui en déroute, abandonnant chars, canons, munitions ; et on pas même devant les Allemands, mais devant les Italiens que les Allemands jetaient à ses trousses […]".

 

- 21 février.

"N’empêche que les renseignements que V. me donnait hier attendent confirmation. Le recul des Américains est certain ; mais leurs pertes semblent être monstrueusement exagérées. D’après Z., ce chiffre de vingt-cinq-mille ; que V. me donnait hier, comprendrait leurs pertes totales depuis le commencement de la guerre, et sur tous les fronts […]".

 

- 22 février.

"Mais V. à qui je soumets cette suggestion, maintient le chiffre de twenty-five thousands est celui qui fut donné par la radio américaine annonçant la défaite de Tunis et ne concerne que les disparus au cours de ce dernier engagement. Il reconnaît du reste que cechiffre, qu’il est certain d’avoir entendu, n’a plus été donné par la suite."


Après ses quelques lignes, Gide entame un nouveau carnet.

 

[On joint :]

GIDE, André. La Délivrance d’Alger. Pages de journal. Tapuscrit de 5 pages signé "André Gide".

Quelques corrections et ajouts autographes.

7-14 mai 1943.

 

Après s’être réfugié en avril 1943 chez Odette Duché, Gide et ses compagnons sortent de leur clandestinité le 8 mai, le lendemain de l’entrée des troupes alliées dans Tunis. Ces quelques pages, extraites de son Journal, seront publiées dans La Syrie et l’Orient, journal de Beyrouth.


"Cet article débordant de joie est parmi les premiers récits de victoire écrits par un écrivain français majeur" (Jocelyn van Tuyl, op. cit). L’intégralité des pages du journal relatives à la libération de Tunis sera publiée à New York, par Jacques Schiffrin, en 1943.

 

-8 mai. "Tandis qu’hier, j’écrivais ces lignes, les Alliés entraient déjà dans la ville [...] On comprend encore à peine que ce que l’on attendait depuis si longtemps a eu lieu ; qu’ils sont là ; on n’ose encore y croire […]."

-10 mai. "Qu’il fait beau ! Une sorte d’allégresse légère flotte dans l’air. L’on respire à libre poumon. La ration quotidienne de pain vient d’être portée de deux à cinq cents grammes par personne […]."

 

GIDE, André. Journal. 1942-1949. Paris, Gallimard, 1950.

In-12. Broché. 

Édition originale.

Un des 25 exemplaires hors commerce sur pur fil Lafuma-Navarre (marqué o).

Envoi autographe signé d’André Gide :

"Pour Jean Amrouche

avec mon amicale reconnaissance

qu’il partagera avec

Suzanne Amrouche

au souvenir ému des heures sombres d’Alger

Juan les Pins, avril 1950."

Pierre Amrouche et Suzanne Amrouche-Molbert (envoi).

A. Gide. Journal. II. 1926-1950. Édition établie, présentée et annotée par Martine Sagaert. Paris, Gallimard, 1997.

 

J. van Tuyl. André Gide et la Seconde guerre mondiale. Lyon, Presses universitaires, 2017, p. 147-180.

 

G. Dugas et P. Masson. Gide et Amrouche. Correspondance 1928-1950. Lyon, Presses universitaires, 2010.