
Asie & Proche-Orient (lots 130 à 170)
Lettre autographe signée à Jérôme Lefrançois de Lalande. De Manille, du 2 novembre 1766 au 3 février 1767, il rend compte de ses observations astronomiques.
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November 20, 01:57 PM GMT
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Description
Le Gentil, Guillaume de La Galaisière
Lettre autographe signée à Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande.
Manille 2 novembre 1766 – 3 février 1767.
7 pages ½ in-folio (320 x 208 mm), feuillets cousus par un lacet de soie bleu. Chemise et étui modernes.
Très intéressante lettre d’un astronome malchanceux, adressée à son confrère Lalande à propos d’observations astronomiques.
Parti de l’île Bourbon au mois de mai 1766 à bord du vaisseau Le Bon Conseil, Le Gentil est arrivé dans la baie de Manille le 10 août mais les orages et les vents violents l'obligent à ne débarquer que deux semaines plus tard, le navire devant éviter le danger des récifs et des bancs de sable. Il relate ensuite les difficultés qu’il a eu pour trouver un endroit propice à ses observations. Ayant renoncé dans un premier temps à l’observatoire qu’un magistrat de la ville lui proposait, à cause de réparations à effectuer dans ce lieu resté abandonné depuis la prise de Manille par les Anglais, il a espéré tout d’abord pouvoir s’installer dans une pièce du couvent des Récollets jusqu’à ce que le prieur refuse de lui en laisser la clé, "parce que c'était un lieu de récréation où les pères du couvent avaient coutume d'aller toutes les après dînées. Ce bon père s’était imaginé que tout l'art des observations astronomiques consistait à porter une lunette dans sa poche et à monter dans un endroit fort élevé d'où l'on put découvrir fort loin, que de là, regardant les astres avec cette lunette, on y voyait tout ce qu'on cherchait". Finalement, par l’intermédiaire du gouverneur de la ville, il s'est s’installé dans le donjon offert par l'oïdor, où les réparations nécessaires avaient été faites, un endroit solide à l'abri des tremblements de terre. Il n'y souffrira pas les mêmes aléas que dans les observations faites en mer, avec la boussole que lui a offert l'abbé de La Caille et qui lui a permis d'établir un grand nombre d'inclinations.
Le Gentil se réfère aux travaux de Nicolas-Louis de Lacaille et du père Louis Feuillée, tout en précisant que, non seulement sa boussole a été perfectionnée depuis, mais que des erreurs ont pu être commises à cause du roulis. "Cette difficulté provient de la position de la ligne de déclinaison de l'aiman par rapport à la quille du vaisseau. Plus l'angle formé entre cette ligne et la quille du vaisseau est grand, plus les observations sont difficiles. Ainsi lorsqu'un vaisseau gouverne à l’E. ou à l’O du compas, le plan de la boussole d'inclinaison étant en perpendiculaire au plan de la quille, l'aiguille se ressent du moindre roulis du vaisseau ; ce qui n'arrive pas lorsque la route que l'on fait permet d'avoir le plan de la boussole dans le plan de la quille ou parallèle à ce plan. […] Lorsque les mers étoient un peu grosses, je me contentois de préparer ma boussole et si je remarquais que l'aiguille eut trop de mouvements, je remettois l'expérience à un autre tems. De cette façon, je n'ai pas un aussi grand nombre d'observations que j'aurois pu en avoir, mais aussi je suis certain qu'elles sont presque toutes exactes à un quart de degré près, et la plus grande partie au moins d'un quart de degré ; surtout celles qui ont été faites dans les détroits dans lesquelles la mer était presque aussi tranquille que l'est l'eau d'un bassin dans un jardin".
L'astronome reprend sa lettre deux mois plus tard, le 16 janvier 1767, informant Lalande qu’il envoie un essai d'observation sur la longitude de Manille. Puis il ajoute un post-scriptum signé, le 3 février suivant. Le départ du navire le Bon Conseil ayant été retardé, il peut adresser à son confrère deux nouvelles observations. "Si le temps me l'avoit permis, je vous aurais envoyé l’éclipse de soleil que j'ai observée le 30 de janvier. J'attends aussi un passage de la lune par les Pleyades [sic] dans 3 jours pour mettre fin à mes observations sur la long. de Manille ; mais le vaisseau sera à la voile".
Guillaume Le Gentil de La Galaisière (1725-1792) s’était embarqué pour Pondichéry en 1760, dans le but de pouvoir observer le transit de Vénus [phénomène qui se produit par paire, toujours à plus de 200 ans d’écart], mais les événements de la guerre de Sept Ans l’empêchèrent d’atteindre sa destination et il dut se contenter d’observer le phénomène en pleine mer, non loin de l’actuelle île Maurice. Le Gentil décida de rester dans cette partie du monde pour y attendre le prochain passage de Vénus en 1769. Parcourant l’océan Indien, il se rendit à Manille pour étudier la longitude de la ville, avant de partir pour Pondichéry et d’y installer son observatoire. Mais le 3 juin 1769, le temps s'étant brusquement couvert, il ne put se livrer à aucune observation. Il regagna la France en 1771, après une navigation pleine d’aléas, pour découvrir qu’on l’avait cru mort, après tant d'années d'absence, qu’il avait été radié de l’Académie des sciences, que son épouse s’était remariée et que ses biens étaient en cours de partage ! Après diverses luttes et procès, il finit par retrouver son siège d’académicien ainsi que ses biens – notamment grâce au soutien de Lalande – publiant en 1779-1781 son Voyage dans les mers de l'Inde, fait par ordre du roi, à l'occasion du passage de Vénus, sur le disque du Soleil, le 6 juin 1761, & le 3 du même mois 1769.
Il reste pour la postérité comme l’image de l’astronome malchanceux, victime de multiples contretemps et infortunes.
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