
Amériques (lots 196 à 249)
Mémorial du voyage au Mexique, 1829-1831. Manuscrit d’un journal tenu par un des participants d'une tentative de colonisation dans la région de Coatzacoalcos.
Lot closes
November 20, 03:15 PM GMT
Estimate
3,000 - 5,000 EUR
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2,400 EUR
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Description
[Mexique]
Mémorial du voyage au Mexique.
Manuscrit.
27 novembre 1829-20 juillet 1831.
297 pages in-8 (200 x 150 mm) la plupart sur bifeuillets. Encre noire sur papier. Étui-boîte en maroquin rouge moderne.
Très intéressant éclairage sur la société mexicaine, au lendemain de l’indépendance du pays.
En 1828, le député Gabriel-Jacques Laisné de Villevêque avait obtenu une vaste concession dans la vallée du Coatzaoalcos pour y administrer une colonie avec l’aide d'un négociant, François Giordan, installé au Mexique depuis plusieurs années. Cédant aux promesses d’un territoire vanté comme particulièrement riche et fécond, quelques 800 candidats tentèrent l’aventure entre 1829 et 1834.
Une première centaine d'hommes et de femmes embarquèrent au Havre à bord du trois-mâts l’Amérique en novembre 1829. C’est à l’un de ces passagers que l’on doit ce récit d’une épopée qui ne fut pas de tout repos.
Il pourrait s’agir d’un nommé Augros, secrétaire et interprète de François Brémond, chef de cette première expédition.
Rédigé principalement en français, avec quelques passages en espagnol, ce "mémorial" est composé de six parties, avec quelques manques chronologiques, notamment entre le 3 janvier (peu avant le naufrage de l'Amérique) et le 15 février 1830 (époque à laquelle une partie des colons quittent le site de Minatitlán pour Sarabia), ou encore quelques semaines plus tard, alors que l'auteur de ce manuscrit séjourne à San Juan Guichicovi.
I. 27 novembre [1829]-3 janvier [1830] (152 pages).
Véritable journal de bord, décrivant la traversée du Havre à Vera Cruz à bord du navire commandé par le capitaine Fourré. Le scripteur, passionné par la science de la navigation, s’entretient régulièrement avec cet officier qui le conseille sur la façon dont un colon doit se comporter. Sont rapportés de très nombreux détails sur les conditions maritimes, la vie à bord, les passagers, avec des considérations philosophiques et sociologiques ou la retranscription des conversations, mêlées aux descriptions des repas, des tenues vestimentaires, des loisirs, etc. L’auteur aime à contempler les lumières et les paysages marins, observe avec intérêt des cachalots. Homme cultivé, il cite des vers latins et des chansons, évoque l’histoire antique autant que contemporaine, comme la récente guerre d’indépendance en Grèce, et se permet quelques traits d’esprit, notamment à propos des îles Vierges.
Plusieurs pages sont consacrées aux traditionnelles festivités accompagnant le passage du tropique du Cancer et le règne provisoire du Roi Tropique.
Quelques jours avant l’arrivée au Mexique, des réunions se tiennent en vue de créer une loge maçonnique dans la future colonie, le narrateur se voyant élire orateur de cette loge nommée "Liberté Égalité".
Le 1er janvier, le navire double la Guadeloupe. Le journal s’interrompt à la date du 3 janvier, alors qu’apparaît un fou de Bassan, indice d’une terre proche. "La brise s'élève et nous filons 6 et 7 nœuds O.S.O. Nous avons l'espoir de découvrir la pointe de Saint-Domingue".
Le 26 janvier suivant, le navire s’échouera dans les sables de la baie du Guazacoalcos, obligeant à un débarquement en urgence et à la perte d’une grande partie des biens et marchandises.
II. 15 février-3 mars 1830. Mémorial 3e suite (13 pages).
Dans un style plus télégraphique, le récit se déroule durant les derniers jours passés à la Fabrica, lieu de résidence de François Giordan, avant un départ en chaloupes pour la concession de Sarabia, le 20 février. Il est question de parties de chasse, de lutte contre les moustiques, de journaux venus de France, dont le Voleur politique et littéraire du 8 décembre qui parle du départ de L’Amérique trois mois plutôt : "Triste pronostic et désobligeantes considérations sur les premiers colons". Lors d’une étape dans un village, l’auteur livre ses impressions sur les indiens, jugeant "affreuse" la nudité des femmes dès qu’elles ont dépassé les 15 ou 20 ans. Du 28 février au 3 mars, les notes, dont une partie au crayon, sont rédigées en espagnol.
III. 8 avril-16 mai 1830. 5e suite du Mémorial (29 pages).
Relation en espagnol et en français, alors que l’auteur est employé comme secrétaire du curé de San Juan Guichicovi. Descriptions des cérémonies de la Semaine Sainte, notes sur Tehuantepec, indications de vocabulaire, observations sur les coutumes et les rapports entre Espagnols et Indiens. "Les pluies continuent, ainsi que mes fonctions de secrétaire, spasmes fréquents qui les accompagnent en présence de la Vierge et des saints. Je me donne au diable cent fois par jour". Le narrateur espère pouvoir prochainement se rendre à Oaxaca et ne pas redevenir un membre inutile de la colonie française de Boca del Monte, rendant compte de l’état d’esprit d’un entourage en proie à diverses difficultés.
IV. 15 mai-24 juin 1830. Mémorial. 6e suite. Notes Cahier n°6. Départ de Guichicovi pour Oaxaca 30 mai 1830 (53 pages).
Bien que très probablement de la même main, le manuscrit présente cependant deux graphies distinctes.
Notes concernant un bref séjour dans la colonie de Boca del Monte avant le départ pour la ville d’Oaxaca, "une des plus grandes & des plus importantes cités de la nouvelle République du Mexique", où il est question de plaider la cause des colons auprès du gouverneur. Considérations sur l’esclavage pratiqué par les Espagnols, les luttes intestines qui déchirent la République, le mélange de superstition, de barbarie et d’impiété au sein de la société indienne, la soumission des indiens pauvres face aux notables.
L’auteur relate un voyage, à pied à cheval, à travers la montagne, livrant quelques descriptions de la flore – de la vanille au pitaya [fruit du dragon] – commentant également la situation démographique du Mexique (se référant à l’évaluation faite par Humboldt en 1811), attribuant l’importante décroissance de la population à la politique féroce menée par les conquistadors et déplorant l’extinction presque totale de l’art aztèque pourtant parvenu à un haut degré de perfection. Lorsqu’il arrive à Mitla le 20 juin, il évoque les fouilles archéologiques qui y sont menées et qui prouvent que les Indiens, souvent taxés de brutes par les Espagnols, n’étaient point dans l’enfance des arts. En même temps qu’il reconnaît la puissance et les richesses de Moctezuma, dernier roi aztèque vaincu par quelques glaives espagnols, il décrit les mœurs des indiens Mixes [ou Mixtèques] comme corrompues et sauvages.
Sur le dernier feuillet de cette partie, on relève des notes plus hâtives ainsi que le dessin d’une frise décorative ou d’un cryptogramme (lié aux ruines de Mitla ?).
V. 3 août-18 décembre [1830]. Continuation du Mémorial du Voyage au Mexique. Oajaca - 7e suite (26 pages, avec les deux mêmes graphies dissemblables).
Notes thématiques prises lors du séjour à Oaxaca : sur la situation politique au moment des élections où s’affrontent libéraux et conservateurs ("on craint une nouvelle révolution"), sur les affaires religieuses, sur son propre avenir (on lui propose une dotation nationale pour ouvrir un cours de français et d’histoire moderne), sur les mœurs des Mexicains ("nul goût pour la littérature, pour les beaux-arts, pour les sciences et moins encore pour la philosophie. Ils ne veulent pas être éclairés : manger, boire, dormir, aller à cheval, brûler beaucoup de poudre en artifice, courir les filles, voilà la vie des Oaxacains" ), sur les fêtes données en l’honneur du prêtre Miguel Hidalgo y Costilla, héros de l’indépendance mexicaine.
Le 4 octobre, est évoquée la révolution de Juillet et la chute du roi Charles X, ce dont semble se réjouir l’auteur qui parle du "despotisme de l’incorrigible famille des B[ourbons]".
VI. 11 mai-20 juillet 1831. Départ d’Oajaca (24 pages).
Relation d’un voyage à pied et à dos de mule, d’Oaxaca à Mexico, descriptions des villes et villages d’étapes (Tehuacan, Tlacotepec, Puebla, Rio Frio) avant l’arrivée à Mexico le 11e jour. Sur les derniers feuillets, quelques notes éparses, en français et en espagnol (essais de poèmes à la gloire de Paris lors de la révolution de Juillet, comptes d’achats de vêtements ou de blanchisserie).
"Stimulés par la richesse du Mexique que le livre de Humboldt (Essai politique sur le royaume de la nouvelle Espagne, 1811) avait fait connaître et par la politique de colonisation, les Français sont arrivés sur les terres mexicaines encouragés dans un premier temps par une compagnie colonisatrice organisée par François Giordan et le député Laisné de Villevêque en 1828 […]. Cette tentative échoua à cause de diverses circonstances, comme le naufrage, le climat, les maladies, les crues du fleuve, entre autres. Les colons survivants se dispersèrent à travers Veracruz, Oaxaca, Tehuantepec, Acayucan y Minatitlán" (Javier Pérez Siller et Jean-Marie Lassus, Les Français au Mexique : XVIIIe-XXIe siècle, vol. II, p. 20).
H. Mansion. Précis historique sur la colonie française du Goazacoalcos, Londres, Davidson, 1831.
J.-Chr. Demard. Émigration française au Mexique. Les Communautés agricoles. D. Guéniot, 1994.
J. Pérez Siller et J.-M. Lassus. Les Français au Mexique : XVIIIe-XXIe siècle, L’Harmattan, 2015.
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