
Circumnavigation & Varia (lots 101 à 120)
4 lettres autographes signées à François Mongin de Montrol, notes et manuscrits autographes. Ensemble relatif à la polémique qui opposa Dumont d'Urville à François Arago au sujet de l'expédition vers le continent austral, en 1837.
Estimate
4,000 - 6,000 EUR
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Description
Dumont d’Urville, Jules Sébastien César
4 lettres autographes signées à François Mongin de Montrol, notes et manuscrits.
Juin – septembre 1837.
Ensemble 24 pages in-4 ou in-8 (de 260 x 200 à 100 x 130 mm) ; lettres sur bifeuillets de papier Weynen, avec adresses ; 6 pages au verso de bulletins de souscription pour le Journal de la Marine, des Colonies et des Consulats.
Important dossier relatif à la polémique qui opposa Dumont d’Urville à François Arago au sujet de l’expédition de L’Astrolabe et de La Zélée, menée notamment vers les régions de l'Antarctique.
Le 5 juin 1837, Arago avait prononcé à la Chambre des députés un véhément discours contre ce voyage, prévu pour le mois de septembre suivant, le jugeant inutile, trop coûteux et sans intérêt scientifique véritable. Dumont d’Urville répliqua et fit publier deux notes au sujet de ces critiques.
[1]. 4 lettres de Dumont d'Urville à son ami François Mongin de Montrol, écrivain et homme politique.
- Juliade [près Toulon] 14 juin 1837 (3 pages). "Avais-je tort quand je vous disais que le fourbe Arago me gardait quelque plat de son métier […] A-t-il assez déblatéré, en termes assez inconvenans, contre l'expédition que je dois diriger, tandis que le misérable n'aurait pas tari en éloges, si le dixième de ces travaux eût été confié à l'une de ses créatures [les députés Dupontel et Auguis]. […] il serait bien pitoyable ce gouvernement où un charlatan comme Arago pourrait exercer une influence dix fois plus grande encore que celle dont il jouit déjà". Il va lui envoyer sa réponse à Arago, comptant sur Montrol pour la faire publier. D’Urville est satisfait de voir que la diatribe d'Arago n'a fait que redoubler l'enthousiasme de tout l’équipage, tout en déplorant qu’Auguis ne se soit pas exprimé pour féliciter le ministre d’avoir entrepris cette expédition et contesté d’impudents mensonges : "Il parait que l'audace et l'effronterie ont un grand ascendant sur les hommes réunis en assemblées".
- Juliade 8 juillet 1837 (3 pages). D’Urville remercie Montrol pour ce qu’il a écrit dans le Journal de la Marine et de la Revue maritime et pour la façon dont sa propre réponse a été présentée. Il est décidé à combattre la perfidie et la déloyauté des procédés d’Arago et regrette la faiblesse dont a fait preuve le ministère pour apaiser "ce chien hargneux" en voulant interdire la publication de cette note, peut-être jugée trop violente. Il est donc heureux de la conduite du Journal des Débats qui, lui, en a rendu compte et l’a publiée intégralement [le 27 juin]. Méprisant les cabales et les intrigues, d'Urville considère avoir vengé son honneur et gardera le silence à partir de maintenant. "Si Arago se tait, j’en ferais autant". Voulant éviter des problèmes postaux, il demande à Montrol de lui écrire sous le nom de "M. Chedeville matelot à bord de la corvette L'Astrolabe à Toulon". Enfin, il le prie d'être son intermédiaire auprès de la Société de géographie et assure qu’il fera en sorte de résoudre les questions qui lui seront posées dans l'intérêt de la science.
- Juliade 22 juillet 1837 (3 pages). À la veille de quitter la France pour un temps assez long, il lui est doux de penser qu’il y a quelques personnes qui savent lui rendre justice en prenant parti contre les calomnies d’Arago, évoquant un pamphlet qui l’a peu ému, en raison des niaiseries et des mensonges qu’il contient. D’Urville fait ici référence à l’article qu’Arago fit paraître dans Le Constitutionnel du 16 juillet, prédisant l’échec d’une mission mal conçue et qui ne produira que des résultats insignifiants. Il cite un vieil ami, le capitaine de vaisseau Matterer, qui a pris sa défense dans Le Toulonnais de la veille mais qu'il a incité à garder l'anonymat par crainte des représailles de la part d’Arago qui a le bras long, "car tout le monde ne peut pas comme moi lutter face à face avec ce charlatan". "Le moment du départ approche et je ne dois plus songer qu'aux grands intérêts qui me sont confiés".
- Juliade 1er septembre 1837 (2 pages ½). Il annonce son départ pour le 7 septembre : "nous quittons la France, parfaitement pourvus sous tous les rapports, en hommes, instrumens, provisions, etc. Un peu de bonheur, et nous ferons de l'excellente besogne. Le meilleur esprit règne dans les états-majors et les équipages, et leur enthousiasme me rajeunit moi-même de vingt années". Il lui donnera de ses nouvelles aussi souvent que possible par son ami Chaucheprat [D’Urville nommera d’après le nom de cet officier de marine un des promontoires de l'île Jonassen lors de son exploration de l'Antarctique]. "Les bonnes [nouvelles], celles qui vous apprendront définitivement ce que nous aurons pu faire au pôle austral, ne vous arriveront guères que dans un an [...] Pendant ce temps, songez quelquefois au vieux navigateur goutteux et soyez certain qu'il ne vous oubliera pas de son côté". En post-scriptum, il lui propose de publier sa réponse à M. de Humboldt ainsi que la note qu’il a adressée à ce savant sur les variations du vent dans l'hémisphère austral.
[2]. Réponse de Dumont d'Urville au discours d'Arago.
Notes autographes (sur 5 feuillets, épinglés, avec ratures et corrections) et 2 manuscrits, le premier autographe (4 pages), le second signé et daté 14 juin 1837 (6 pages).
À la suite du discours d’Arago lors de la séance à la Chambre le 5 juin, une "sortie véhémente d’une longueur inutile", le navigateur décide de répondre à ce qu’il considère comme une misérable affaire de personnalité, en réfutant tous les raisonnements absurdes de son adversaire. Mettant ces critiques sur le compte de la seule jalousie et d'une malveillance déjà ancienne, il rappelle que la mauvaise volonté de son adversaire s'était déjà manifestée lors de la première expédition de L'Astrolabe en 1826.
L’exploration du pôle austral n’ayant pas été décidée de sa propre initiative mais commanditée par le roi lui-même, il expose tous les intérêts et les grands services scientifiques rendra une telle expédition, citant d'autres explorateurs comme l'anglais Edward Parry ou le français Laplace, et des naturalistes comme Blainville, Cordier et Mirbel, qui tous s'accordent sur l'importance de nouvelles reconnaissances autour du détroit de Magellan, notamment dans les îles Salomon ou la Nouvelle Guinée.
"Ah ! Mons. Arago, qu’il est peu honorable, qu’il est peu national le sentiment qui vous porte à dénigrer à l’avance les tentatives de vos compatriotes. […] Un pressentiment intérieur me crie que nous échapperons à tous les dangers et qu’en dépit des sinistres prédictions de l’académicien député […] nous reverrons tous notre patrie et lui présenterons l’hommage de nos travaux".
Le second manuscrit, rédigé au verso de bulletins de souscription pour le Journal de la Marine, des Colonies et des Consulats auquel Montrol collabore, est une mise au net de cette réponse.
Troisième expédition dirigée par Dumont d’Urville, ce voyage de circumnavigation, qui connut les difficultés inhérentes à une telle entreprise (conditions climatiques, maladies et épuisement de l’équipage, navires peu adaptés aux glaces…), s’acheva en novembre 1840. D’Urville revint en France après avoir notamment découvert la Terre Adélie (ainsi nommée d’après le prénom de son épouse Adèle) et rapporté de nombreuses observations sur la géographie, la zoologie et le magnétisme austral. Il s’attela au récit de ces explorations mais seuls les premiers tomes furent publiés de son vivant, en raison de sa mort soudaine survenue lors de la catastrophe ferroviaire de Meudon, en mai 1842.
Le Voyage au Pôle sud et dans l'Océanie, sur la corvette "L'Astrolabe" et "La Zélée", exécuté par ordre du Roi, pendant les années 1837, 1838, 1839, 1840, sous le commandement de M. Dumont d'Urville, fut achevé par l’hydrographe de l'expédition, Clément Vincendon-Dumoulin.
Annales maritimes et coloniales… 22e année, 2e série - Partie non officielle. Paris, Imprimerie Royale, 1837. Pages 928-946.
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