
XXe siècle (lots 58 à 98)
4 lettres dont 3 autographes, signées, 1949-1959. Au sujet de "L'Équarrissage pour tous", de jazz, de Saint-Germain-des-Prés, du "Déserteur", de Georges Brassens, entre autres.
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November 20, 11:35 AM GMT
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Description
Vian, Boris
4 lettres ou minutes, dont 3 autographes, signées à divers correspondants.
Paris, 1949-1959.
15 pages in-4 (270 x 210 mm), certaines avec ratures et corrections ; un feuillet à en-tête de Cides / Compagnie de distribution d'enregistrements sonores ; une enveloppe (à l’adresse de Paul Chambrillon).
Superbe ensemble où il est notamment question de L'Équarrissage pour tous, de la défense des clubs de jazz à Saint-Germain-des-Prés, du Déserteur – alors interdit de vente et de diffusion – et des chansons de Georges Brassens.
- Lettre relative à un projet d’adaptation cinématographique d’Équarrissage pour tous. 5 avril 1949. Vian s’adresse à Martine [Carol] pour lui proposer ce projet dont lui a sans doute déjà parlé l’impresario Georges Beaume. Si elle acceptait d’y participer, il se dit persuadé de trouver la production nécessaire. Il détaille le scénario qu’il compte tirer de sa pièce, dont l’action se déroule le jour même du débarquement du 6 juin 1944 et qui se termine en pugilat meurtrier, "traité dans un style plutôt voisin du burlesque américain de la grande Espagne, avec une fin parfaitement noire cependant (noire au sens des pièces noires du père Anouilh). Il l’imagine dans le rôle de la sœur "qui accueille les soldats et fait les 400 coups pendant tout le film (non pas au sens incorrect du mot, mais au sens ‘déchaîné’ – une sorte d’Elvire Popesco (en + jeune)". Il se recommande de Jacques Lemarchand, de Jean-Louis Barrault, de Jean Paulhan, de Félix Labisse et de quelques autres, lui proposant d’indiquer ses prétentions financières et de lui donner un accord de principe.
Écrite en 1947, la pièce L’Équarrissage pour tous connut quelques difficultés pour être jouée, Vian y tournant en dérision non seulement la guerre, mais aussi l’impérialisme et le puritanisme américain autant que les valeurs traditionnelles de la famille. Si ce projet cinématographique n’aboutit pas, la pièce quant à elle sera finalement montée par André Reybaz au théâtre des Noctambules, le 14 avril 1950, provoquant autant de critiques enthousiastes que scandalisées. Si Cocteau, par exemple, parla d’une insolence exquise, Elsa Triolet exprima une solide antipathie pour l'ignominie de ces crachats (Lettres Françaises, 20 avril 1950). Quant à Martine Carol, si elle était à cette date une actrice déjà célèbre, elle n’avait pas encore le statut de star qu’allait lui donner la célèbre série des Caroline chérie.
- Au critique André Ransan, à propos d’Équarrissage pour tous. Double carbone avec annotations autographes, signé à l'encre violette [mi-avril 1950]. Vian répond au critique qui l’a taxé de prétention et a qualifié sa pièce de "vaudeville anarchiste". "Je crois qu’on ne s’explique jamais trop entre la scène et la salle […] Le titre ["Vaudeville paramilitaire en un acte"] n’est qu’une boutade – la pièce aussi. Je sais bien que certains de mes livres ont fait scandale – mais il y en a beaucoup plus qui sont passés inaperçus, et je n’ai pas cherché le scandale […] je suis dans le coup comme tout le monde, et bien persuadé qu’une guerre peut rendre tout ce monde un peu idiot, moi compris […] voilà quel était mon propos : faire rire aux dépens de la guerre. C’est tout ce que je pouvais faire. C’est peut-être conformiste mais que voulez-vous, la guerre, je trouve ça très bête et je ne pouvais pas en parler sérieusement". Par une ligne, biffée, Vian demande de l’indulgence pour cette première pièce, alors qu’en réalité il s’agit de sa deuxième, puisqu’avait été montée, deux ans auparavant, en avril 1948, une adaptation de J’irais cracher sur vos tombes, certes quelques mois avant que Vian ne reconnaisse officiellement être l’auteur du roman éponyme.
Est agrafée à cette lettre la réponse de Ransan, datée du 24 avril 1950, par laquelle le critique remercie Vian de sa courtoisie et reconnaît avoir cru à tort à une volonté de faire scandale d’autant qu’il partage ses idées sur la guerre, "une ânerie sans nom" et qu’il adore l’humour et le burlesque : "j’attends maintenant votre prochaine pièce avec impatience. Car vous êtes un dramaturge authentique, et j’aime le théâtre. Et la vie. Et la paix". L’article de Ransan, publié dans Ce Matin – Le Pays du 17 avril, parlait de Vian comme d’un martien, se gaussant des pauvres petits terriens, jetant sans respect tout le monde dans le même sac au moyen d’action "hautement sinoque, zazoue, farfelue, entendez par là loufoque".
- Boris Vian et le jazz à Saint-Germain-des-Prés. Minute autographe signée, avec ratures et corrections [à un inspecteur des Finances publiques], 14 novembre 1950. Très intéressante lettre comme président de l’association "Jazz de la Rive Gauche" [créée en mars 1950]. "Étant donné le caractère d’entraînement collectif des séances de jazz de l’après-midi organisées par l’association Jazz Rive Gauche et leur aspect non commercial nous sollicitons l’application à leur endroit du régime des concerts en ce qui concerne la perception de l’impôt, ceci malgré les danses occasionnelles qui peuvent y prendre place et qui participent à la musique". Vian, avant de résumer sa requête, a exposé les activités de l’association et leurs réunions au Club St Germain, rue St-Benoît dans le VIe arrondissement, en plusieurs points.
"a) Le jazz, suivi en France par un nombre réduit d’amateurs, est au sens propre la musique d’improvisation créée à l’inspiration des noirs. Les noirs ont développé sur les divers instruments de l’orchestre un style et un mode d’expression particuliers et très différents du style et mode d’expression classiques.
b) Pour s’entraîner en vue d’acquérir l’aisance technique d’ensemble indispensable à la qualité de l’interprétation, il est nécessaire aux jeunes orchestres de répéter fréquemment, et ceci devant un public d’amateurs qui créent l’ambiance et la chaleur nécessaires, et dont les gestes et les danses occasionnelles renforcent cette ambiance collective.
c) Il est malheureusement impossible aux jeunes chefs d’orchestre amateurs de répéter chez eux, et ceci pour des raisons évidentes : le bruit, et l’espace disponible.
d) C’est pourquoi les clubs du 6ème et St-Germain en général pratiquent fréquemment le genre de réunions que nous pouvons appeler répétitions publiques où l’on demande aux assistants une participation toujours réduite et servant uniquement à couvrir les frais […]".
Vian demande s’il est possible que les impôts soient limités au pourcentage exigible lors des concerts, rappelant qu’aucune boisson n’est vendue lors de ces réunions. "À titre documentaire, signalons qu’il paraît en France plusieurs revues de jazz dont l’une (Jazz Hot) tire à plus de 10 000 exemplaires ; quel que soit le goût que l’on ait ou non pour cette musique, on ne peut manquer d’admettre que les opinions formulées sur elle par des musiciens classiques tels que Stokowski, Ansermet, etc… lui accordent des titres à une certaine considération".
- Boris Vian et Georges Brassens. Lettre au critique Paul Chambrillon, 5 janvier 1959. En réponse à un article de Chambrillon publié dans la revue Octogone [répondant sans doute à l’une des chroniques que Vian écrivit pour Le Canard enchaîné, à propos de Georges Brassens ou de son propre essai En avant la zizique... et par ici les gros sous]. Lettre pleine d’humour dans laquelle Vian s’amuse des "fines pointes" et des compliments que Chambrillon a écrit sur lui : il n’est ni technicien, ni raton-laveur, mais ingénieur "en vrai". Il le remercie de ses regrets quant à son 33 tours [Chansons ‘Possibles’ et ‘Impossibles’, 1956] supprimé du catalogue Philips "à la demande d'organismes de l'armée, que le Déserteur gênait (à propos, question de prendre des risques, vous avez déjà chanté le Déserteur en public ?)", puis parle de plusieurs chansons de Brassens : " Oncle Archibald et Grand-père sont absolument (*Il s'agit naturellement de l'absolu qui m'est relatif) de meilleures chansons que le Cocu et la Ronde pour des raisons simples : littérairement, artistiquement, musicalement, elles sont de qualité équivalente (faites-moi la grâce de croire que je les ai écoutées autant que les autres), et socialement, elles sont plus difficiles à faire passer ; or la comtesse de Ségur l'a dit, c'est difficile donc c'est amusant, j'aime m'amuser et je les préfère à ce titre (et non par naïveté – quel âge avez-vous donc pour croire qu'on puisse être naïf ?)". Enfin il clôt sa lettre en évoquant le principe pataphysicien sur l'équivalence des contraires : "Il est aussi excellent d'être critique que d'être génie".
Est joint un double dactylographié de la réponse de Paul Chambrilllon, 16 janvier 1959, rédigée avec autant d’humour, affirmant que les chansons de Vian figurent dans son répertoire essentiel, reconnaissant que les chansons sur le thème de la mort sont difficiles à faire admettre, assumant sa naïveté et n’ayant plus guère d’illusions sur les critiques comme sur les génies.
[On joint :]
SALVADOR, Henri – Boris VIAN. Photocopie d’une partition manuscrite ou de la main de Salvador ?de la chanson Robert (1958), paroles de Vian, musique de Salvador, sur un rythme calypso (2 pages grand in-4). A REVOIR
Une des très nombreuses collaborations entre les deux amis qui composèrent ensemble plusieurs dizaines de chansons, enregistrées ou non.
Ajouter ref pour les lettres publiées dans "Correspondance". Voir avec Sabine
Transcriptions des lettres de Boris Vian :
Lettre du 5 avril 1949.
"Chère Martine / Georges Beaume vous a parlé sans doute du mignon projet que je caresse : tourner cet été un bon film moyen (comme on dit) avec les sous de quelqu’un d’autre ; il se trouve que ce quelqu’un est parfaitement disposé à les donner (ses sous) si vous acceptez le rôle principal de la chose. Je sais qu’il est imprudent de ma part de vous demander ça sans vous donner le scénario mais il s’agit d’un scénario que je tire d’une pièce déjà écrite depuis deux ans. En deux mots, il s’agit d’une pièce (d’un film) contre la guerre, traité dans un style plutôt voisin du burlesque américain de la grande Espagne, avec une fin parfaitement noire cependant (noire au sens des pièces noires du père Anouilh.) Le thème général est surtout le suivant : ça se passe le jour même du débarquement le 6 juin 1944 à Arromanches, et au milieu de la confusion générale, le héros mâle de la chose ne pense qu’au seul problème qui l’occupe : doit-il marier sa fille à l’Allemand qui loge chez lui depuis quatre ans. Il s’ensuit un grand conseil de famille (toujours au milieu du débarquement, des bondes, des irruptions de soldats allemands, américains, volapuks ou autres). À l’issue du conseil de famille toute la famille se fout sur la gueule parce qu’ils sont pas d’accord et pour terminer la chose, quand tout s’est passé, la maison est la seule du village qui reste debout et des sapeurs français viennent la faire sauter parce qu’elle n’est pas dans l’alignement du Plan Futur de Reconstruction – sitôt que ce sera fait – et si ça vous intéresse – je vous joins un synopsis détaillé. Je vous aimerais bien non pas dans le rôle de la fille (qu’on ne voit presque pas) mais dans celui de sa sœur qui accueille les soldats et fait les 400 coups pendant tout le film (non pas au sens incorrect du mot, mais au sens ‘déchaîné’ – une sorte d’Elvire Popesco (en + jeune). Naturellement, le producteur ne nous donnera pas 50 millions pour faire ça, mais il en lâcherait une douzaine ; aussi, voilà le problème : est-ce que ça vous tente de faire un peu du cinéma pas commercial ; naturellement, vous et les professionnels que je convoite serez payés le prix, mais je vous le dis franchement, c’est votre acceptation qui conditionne toute la chose. Je pense que le thème est plutôt honorable : vous êtes, je suppose, aussi ennemie de la bagarre (la vraie, le casse pipes) qui mézigue et ça, faut bien le dire un jour. Si vous voulez des références pour ce scénario, je vous dis sans modestie que j’ai l’approbation pleine et entière de Jacques Lemarchand, de J.-L. Barrault, de Jean Paulhan, de Felix Labisse et de quelques autres. En plus de ça, vous êtes la personne du rôle et ça compte ; j’avais prononcé votre nom bien avant de savoir qu’il serait accueilli avec tant d’enthousiasme. Soyez un amour et répondez moi très vite : indiquez moi (ça compte aussi) combien de sous vous voulez. Et si vous pouvez m’envoyer une acceptation de principe, sans engagement, rédigez ça comme vous voudrez du genre ‘Accepte en principe de tourner film Vian sous réserve approbation du rôle et accord financier avec producteur’ – ça ne vous lie pas trop… Je crois que ça serait drôle de se retrouver tous dans une ferme normande pendant quelques semaines. Pardonnez-moi la longueur de cette lettre, mais fallait que je vous explique tout ça. Soyez un amour et répondez-moi vite (même si c’est non, dites le vite – mais j’espère que ça sera oui…
Je vous baise les mains
Boris Vian".
Lettre à André Ransan.
"Cher monsieur / Je sais que les auteurs n’écrivent ou ne s’adressent aux critiques que pour les agonir d’injures en général. Voyez en cette lettre une rupture avec cette tradition. Je crois qu’on ne s’explique jamais trop entre la scène et la salle, et je suppose que vous aimez votre métier comme j’aime le mien : voilà, outre qu’il m’a paru normal de vous remercier de votre critique, ce qui fait l’objet de cette lettre. Je vous le dis franchement, cela m’a fait de la peine de me voir taxé, et dans ce titre ‘vaudeville anarchiste’ et dans les motifs qui m’ont fait l’écrire, de prétention. Le titre n’est qu’une boutade – la pièce aussi. Je sais bien que certains de mes livres ont fait scandale – mais il y en a beaucoup plus qui sont passés inaperçus, et je n’ai pas cherché le scandale : je n’ai rien cherché qu’à m’essayer dans divers genres. Je n’ai nullement songé en écrivant l’Équarrissage à me prendre pour le martien dont je parle ; je suis dans le coup comme tout le monde, et bien persuadé qu’une guerre peut rendre tout ce monde un peu idiot, moi compris – j’ai tenté une traduction de cette idiotie fin 1946, à un moment où, la guerre a peine refroidie redevenait la guerre froide – ce qui m’a écœuré – voilà en toute simplicité quel était mon propos : faire rire aux dépens de la guerre. C’est tout ce que je pouvais faire. C’est peut-être conformiste mais que voulez-vous, la guerre, je trouve ça très bête et je ne pouvais pas en parler sérieusement… Et puis c’est ma première pièce, monsieur le critique, un peu d’indulgence. D’ailleurs vous en eûtes. Bien cordialement à vous
Boris Vian
[Ajout à l’encre violette :] Sur quoi monsieur Ransan me répondit une lettre charmante que je me permets de garder pour moi en le remerciant mais qui prouvait…". [Suite manquante].
Lettre à un inspecteur des finances publiques.
"Cher monsieur / Comme suite à notre conversation de ce matin et à titre de Président de l’Association Jazz Rive Gauche, je me permets de résumer ci-dessous les points essentiels de la position de l’Association en ce qui concerne les réunions du jeudi au dimanche après-midi au Club St Germain 13 rue St Benoît.
Il ne nous paraît pas exact d’assimiler ces séances à des spectacles ou à des divertissements, et ceci pour les raisons suivantes.
a) Le jazz, suivi en France par un nombre réduit d’amateurs, est au sens propre la musique d’improvisation créée à l’inspiration des noirs. Les noirs ont développé sur les divers instruments de l’orchestre un style et un mode d’expression particuliers et très différents du style et mode d’expression classiques.
b) Pour s’entraîner en vue d’acquérir l’aisance technique d’ensemble indispensable à la qualité de l’interprétation, il est nécessaire aux jeunes orchestres de répéter fréquemment, et ceci devant un public d’amateurs qui créent l’ambiance et la chaleur nécessaires, et dont les gestes et les danses occasionnelles renforcent cette ambiance collective.
c) Il est malheureusement impossible aux jeunes chefs d’orchestre amateurs de répéter chez eux, et ceci pour des raisons évidentes : le bruit, et l’espace disponible.
d) C’est pourquoi les clubs du 6ème et St Germain en général pratiquent fréquemment le genre de réunions que nous pouvons appeler répétitions publiques où l’on demande aux assistants une participation toujours réduite et servant uniquement à couvrir les frais : électricité et entretien de la salle, contrôle de la bonne tenue intérieure, et frais de salle s’il y a lieu (en effet il arrive même souvent que les propriétaires de salles prêtent gracieusement cette dernière à seule fin d’encourager les jeunes à monter de bons orchestres que ces propriétaires trouveront, sans nul doute, un intérêt ultérieur à utiliser commercialement)
En conséquence, nous sollicitions de votre bienveillance l’autorisation de classer ces séances dans une rubrique un peu particulière celle des répétitions de classer ces séances dans une rubrique un peu particulière, celle des répétitions publiques, au cours desquelles la danse occasionnelle ne peut être considérée que comme un entraînement des danseurs par l’orchestre et vice-versa (nous signalons à ce propos que très fréquemment, les engagements d’orchestres comportent l’engagement de danseurs dont la présence sert à faire naître la tension indispensable aux bonnes exécutions de jazz)
Cependant il ne nous échappe pas qu’il serait parfaitement injuste que sous ce prétexte, toute réunion de ce genre échappât à l’impôt. Nous demandons s’il serait possible de limiter celui-ci au pourcentage exigible lors des concerts, afin de permettre à ces associations dont les finances sont réellement toujours précaires de poursuivre leur effort dans le but d’améliorer une musique dont l’importance culturelle est reconnue par des centaines d’experts internationaux. À titre documentaire, signalons qu’il paraît en France plusieurs revues de jazz dont l’une (Jazz Hot) tiré à plus de 10 000 exemplaires ; quel que soit le goût que l’on ait ou non pour cette musique, on ne peut manquer d’admettre que les opinions formulées sur elle par des musiciens classiques tels que Stokowski, Ansermet, etc… lui accordent des titres à une certaine considération.
En résumé :
Étant donné le caractère d’entraînement collectif des séances de jazz de l’après-midi organisées par l’association Jazz Rive Gauche et leur aspect non commercial nous sollicitons l’application à leur endroit du régime des concerts en ce qui concerne la perception de l’impôt, ceci malgré les danses occasionnelles qui peuvent y prendre place et qui participent à la musique.
[D’une autre encre :] Naturellement, nous insistons sur le fait qu’il n’est jamais servi à ces occasions aucune boisson, ce qui garantit leur caractère non commercial justifié nous semble-t-il la possibilité de leur accorder le régime des concerts.
Boris Vian".
Lettre à Paul Chambrillon.
"Cher Monsieur / cette lettre (purement privée et non publiable) pour votre gouverne personnelle . Vous manquez d'informations et le mélange de fines pointes et de compliments de votre papier du mois de décembre 1958 d'Octogone n'a pas de sens.
1° ‘Technicien ne peut, raton-laveur ne daigne’, dites-vous. Rectifiez : Technicien ne veux raton-laveur, ne puis (faute de l'air gamin et de la fourrure). (Je précise que je suis, au vrai, ingénieur de l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris, promotion 42).
2° Merci de vos regrets concernant la suppression du 33 tours Vian du catalogue Philips. Il a été supprimé à la demande d'organismes de l'armée, que le Déserteur gênait (à propos, question de prendre des risques, vous avez déjà chanté le Déserteur en public ?).
3° Oncle Archibald et Grand-père sont absolument (*Il s'agit naturellement de l'absolu qui m'est relatif) de meilleures chansons que le Cocu et la Ronde pour des raisons simples : littérairement, artistiquement, musicalement, elles sont de qualité équivalente (faites-moi la grâce de croire que je les ai écoutées autant que les autres), et socialement, elles sont plus difficiles à faire passer ; or la comtesse de Ségur l'a dit, c'est difficile donc c'est amusant, j'aime m'amuser et je les préfère à ce titre (et non par naïveté – quel âge avez-vous donc pour croire qu'on puisse être naïf ?).
4° Une dernière observation : ce ‘critique peu ou prou, au dernier degré de l'échelle’ me paraît dur pour vous ; vous ignorez sans doute le principe pataphysique de l'équivalence des contraires. Il est aussi excellent d'être critique que d'être génie. C'est cette vérité qu'il vous faut assimiler. Je vous embrasse bien fort.
Boris Vian
P.S. C'est par pur hasard qu'un ami me met votre papier sous le nez. Les amis sont comme ça…".
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