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December 10, 04:17 PM GMT
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50,000 - 80,000 EUR
Starting Bid
45,000 EUR
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Description
Kanak Door, New Caledonia
Haut. 141 cm, Large. 50 cm ; Height: 55 ½ in, Width. 19 ¾ in
Jean-Claude Bellier (1930–2020) Collection, Paris
Galerie Bernard Dulon, Paris, before 1982
Liliane et Michel Durand-Dessert Collection, Paris, acquired from the above
European Private Collection acquired from the above in 2015
L’Oeil, n°227, 1974, p. 19
Arts d’Afrique Noire, n°116, 2000, p. 12
Liliane et Michel Durand-Dessert, L’Art au Futur Antérieur, Un autre regard, Musée de Grenoble, 2004, n°57, p. 82
À l’entrée de la grande case, le chambranle sculpté dressait sa silhouette verticale comme une sentinelle silencieuse. Plus qu’un simple encadrement, il marquait un seuil symbolique : celui qui sépare le visible de l’invisible, le quotidien du sacré, le domaine des vivants de celui des ancêtres. Sculpté dans un tronc de bois de houppe, une matière noble, dense et imputrescible, il conserve les traits stylisés d’un visage ancestral : nez large aux narines pendantes, arcades entaillées sur toute la largeur, bouche longue et fine creusée en rainure, yeux aux contours nets à peine saillants. Chaque trait, chaque incision, répond à des canons esthétiques hérités et transmis de génération en génération.
Cette figure n’est pas intacte. Elle porte les marques d’un geste de rupture, d’un moment de tensions rituelles à l’achèvement d’un cycle, celui de la disparition d’un personnage de haut rang. En effet, chez les Kanaks, lorsqu’un chef meurt, c’est toute sa demeure qui disparaît. Les oncles utérins, figures centrales du deuil, viennent alors frapper la case, en mutiler les ornements. La colère n’est alors pas désordre, elle est rite. Elle brise pour libérer. Le chambranle devient alors le témoin d’un passage, d’un effondrement voulu, ritualisé et nécessaire.
Fritz Sarrasin, témoin direct de ces pratiques au début du XXe siècle, rapporte :
« En Calédonie, on laisse les cases du mort tomber en ruines, ou on les détruit intentionnellement. Dans nombre de villages, on rencontre des cases de personnes décédées en ruines ou abandonnées. À Yambé (Oubatche), j’ai vu livrés au sol à la décomposition, mutilés, les deux grands chambranles sculptés de la case en ruine d’un chef de village décédé ; les nez étaient coupés, et les deux visages avaient un œil crevé […] C’était un signe de deuil, selon les dires du fils du mort, qui n’en connaissait plus la véritable raison ou ne voulait pas la dire. »[1]
Cet élément d’architecture sculpté, à la fois œuvre d’art et témoin rituel, conserve dans ses fibres l’écho d’un monde où l’architecture, la sculpture et le sacré étaient indissociables. Un témoignage exceptionnel d’une société où l’on sculpte autant pour honorer les vivants que pour accompagner les rituels du deuil.
Ce chambranle de porte est remarquable par la qualité de sa sculpture et les détails du visage qui présentent toutes les caractéristiques les plus représentatives des canons stylistiques Kanaks. Il s’apparente en particulier à un exemplaire conservé à l’Australian Museum de Sydney découvert au village de Kurvia dans la région de Houailou.
[1]Sarrasin, F., L’Ethnographie des kanak de Nouvelle-Calédonie et des Îles Loyauté, 1911–1912, p. 239
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