Importante correspondance à Jacqueline Porret-Forel. 1948-1980. De la découverte d'Aloïse au Musée de l'Art Brut à Lausanne.
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Description
Dubuffet, Jean
Correspondance à Jacqueline Porret-Forel, notamment à propos d'Aloïse Corbaz.
1948-1980.
Environ 52 lettres, la plupart tapuscrites et signées (une dizaine manuscrites) ; nombreuses enveloppes conservées.
De la découverte d'Aloïse à la constitution du Musée de l'Art Brut à Lausanne.
"Une très grande artiste. Pas le moins du monde une folle" (Dubuffet).
Importante par son nombre (57 lettres) et sa durée (une trentaine d'années), cette correspondance raconte l'histoire de l'Art Brut, depuis la première exposition d'Aloïse, aujourd'hui encore l'une des artistes hors de tout système culturel les plus connues. Il est question évidemment d'Aloïse (son nom est souvent orthographié Aloyse), mais aussi, de manière plus large, des activités du Foyer et de la Compagnie de L'Art Brut, les publications, la constitution de la collection, la recherche d’œuvres et leur avenir, etc., tout le travail titanesque que Dubuffet mène en parallèle de sa propre activité de peintre. En 1970, c'est notamment la destination des collections qui préoccupe Dubuffet.
On ne peut ici donner qu'un rapide aperçu de cette vaste correspondance, et n'en citer que quelques extraits.
1948. 7 lettres. La correspondance débute en 1948, à l'époque de la première exposition d'Aloïse à la galerie René Drouin et des premières publications de la Compagnie de l'Art Brut qui lui sont consacrées (texte rédigé avec Jean Gagnebin, paru en décembre 1948) : "je veux que vous sachiez combien cet article me semble savoureux et intéressant". Souhaitant acquérir des œuvres de Wölfi, Dubuffet demande à sa correspondante de l'y aider, le dr. Morgenthaler refusant de se dessaisir d'aucun des 130 dessins prêtés pour une exposition (30 octobre 1948). Grâce à Aloïse, un autre médecin accepte de céder quelques dessins à la Compagnie. Venu en Suisse en décembre, Dubuffet rencontre plusieurs médecins à Berlin, à Bâle (où il a vu "les statues coloriées qui ont été exécutées naguère par un délinquant et qui sont son conservées à la Prison"), et revient en France avec de nombreux documents, tout en rappelant qu'il recherche des dessins de Wölfi et de Rodovic (27 décembre 1948).
1949. 2 lettres. Il est question de leurs voyages respectifs, du renvoi des œuvres prêtées pour l'exposition, de l'artiste elle-même ("avez-vous vu notre bonne Aloyse ? travaille-t-elle bien ? Quelles sortes de choses fait-elle ?") et d'André Breton (durant le voyage de Dubuffet au Sahara) : "c'est André Breton qui pendant mon absence supervisera la marche du Foyer de l'Art brut, auquel il s'intéresse très activement. Si vous venez à Paris pendant ces mois de mars et avril, ne manquez pas de lui faire signe. Je lui ai parlé de vous et il vous attend".
1950. 2 lettres. "On a un peu restreint l'activité du Foyer de l'Art brut pour raisons de manque de finance. Une exposition d'ensemble y est installée maintenant et une permanence est assurée hebdomadairement [...] Il y a quelques nouvelles acquisitions fort intéressantes, mais j'ai ralenti un peu l'activité de mes recherches ces temps-ci car je suis plongé jusqu'au cou dans mes propres travaux de peinture et n'ai plus de temps pour rien d'autre" (18 mars).
1955. Une lettre. Il travaille à un fascicule sur Aloïse, s'inquiète d'éventuelles revendications : "Je suis bien curieux aussi du développement des choses pour la succession et l'éventuelle revendication de propriété des œuvres par les héritiers ou par les médecins de l'asile, qu'en advient-il ?" (29 mai).
1962. 6 lettres. Dubuffet est resté un certain temps sans s'occuper des recherches sur l'Art Brut, les collections étant depuis 1951 chez Ossorio à New York, mais il a recommencé à collectionner des œuvres. Il a acheté une grande maison à Paris "qui se prête parfaitement à y installer les collections de l'Art brut. J'y ai fait les aménagements requis, qui sont maintenant terminés. Ossorio m'a renvoyé de New York les collections". Il s'occupe de l'accrochage, aidé par Kopač. "Mon intérêt pour ces choses s'est ravivé. J'ai entrepris de nouvelles recherches pour continue à enrichir les collections. J'espère que vous m'aiderez" (8 juin). En novembre, il annonce que les publications sur l'Art Brut vont recommencer, "j'y travaille studieusement". Le même mois, il évoque sa venue en Suisse et les différentes rencontres qu'il compte y faire. En décembre, il apprend que son amie Lorenza Trucchi a déniché un "drôle de peintre qui habite une caverne à 100 km de Rome".
1963. 3 lettres. Il est question de la plaquette que Jacqueline Porret-Forel va publier sur Aloïse, dans le cadre de la rédaction des monographies, qui "se constituent peu à peu. Il y en aura une soixantaine, qui seront publiées en quatre fascicules dont chacun en regroupera quinze".
1964. 8 lettres. En avril, il apprend le décès d'Aloïse et évoque l’affection qu'il portait à la disparue : "Ma pensée a été, comme vous le savez, pendant un grand nombre d'années, très attachée à ses œuvres et le demeurera toujours, et sa mort me donne beaucoup d'émotion." Le 18 avril, il évoque la monographie sur Aloïse : "Je suis bien content de vous voir partager mon sentiment à propos de l'énigme offerte par le comportement d'Aloïse. Je pense qu'il serait salubre que votre étude sur elle soit marquée dans ce sens. Je suis persuadé qu'elle était à la fois actrice et spectatrice lucide de ses créations, que celle-ci (y compris tout ce qu'on peut y trouver parfois d'absurde et d'incohérent) étaient très élaborées et entièrement en permanence, sans cependant du tout perdre jamais le moindrement pour cela le sens réel. Une très grande artiste. Pas le moins du monde une folle". Il serait intéressant "de dater avec précision (du moins avec autant de précision qu’il sera possible, en s'aidant d'indices et recoupements) toutes les œuvres d'Aloyse qui seront reproduites dans votre publication" (30 mai). Le 17 septembre, il félicite sa correspondante : "C'est une chose qu'il fallait faire. Vous seule avez parfaitement connu et compris Aloyse et parfaitement étudié ses travaux dans tout leur détail ; il n'existe personne d'autre que vous qui soit à même de faire à leur sujet un exposé bien fondé et un bon mémorial de capitale importance. Je suis extrêmement heureux que ce soit chose faite maintenant, et aussi que la publication de ce document soit dévolue à notre 'Art brut'". Il regrette l'hostilité des docteurs Muller et Bader envers leur entreprise : "Je ne vois vraiment pas ce qui peut la légitimer, si ce n'est un déplorable et puéril esprit de compétition (bien tardive) et de jalousie". Il est aussi rassuré par la succession d'Aloïse et par l'avis du juriste.
1965. 9 lettres. Dubuffet discute des illustrations pour la monographie sur Aloïse et se montre un éditeur exigeant : "Où il y a, me semble-t-il, un peu de lacune, c'est sur les informations concernant la vie d'Aloyse dans son enfance et sa jeunesse et dans toute la période précédent son internement. N'y a-t-il aucun moyen de faire quelque enquête un peu approfondie ? Il doit bien exister à Lausanne des personnes qui aient été en rapports avec sa famille et avec elle même [...] ?". (26 janvier). Il évoque le choix des textes d'Aloïse à reproduire (15 février), l'achat de davantage d’œuvres, comptant sur le docteur Porret-Forel pour se concilier sa nièce (14 octobre), un voyage en Suisse (18 novembre), et la prochaine sortie du volume sur Aloïse (2 décembre).
1966. 4 lettres. Kopač lui a appris qu'elle avait donné 4 superbes tableaux d'Aloïse "en surplus des pièces choisies [...] Ces quatre nouvelles pièces sont très belles et imposantes, et aussi de dimensions spécialement heureuses pour leur présentation" (31 janvier).
1967. 3 lettres. Évocations de l'exposition au musée Alexis Forel, de l’accueil peu réceptif du public de Morges et du bilan "calamiteux pour les finances" et pour le musée.
1970. Une lettre. Dubuffet s'interroge sur l'avenir des collections de l'Art Brut. "Aux services français nationaux de la Culture on les accepterait, naturellement, avec empressement pour les insérer dans le complexe du 'musée d'art contemporain' qu'on s'apprête à construire à Paris et qui sera prêt, dit-on, dans cinq ans. Mais cinq ans ce me parait loin ; et surtout je ressens un non-sens à lier si peu que ce soit (on me propose des salles séparées, un pavillon réservé spécialement peut-être à un musée d'art culturel. Donc écarté. On me propose aussi une suite de salles dans les combles du Musée des Arts Décoratifs [...] Ce serait déjà mieux que le 'musée d'art contemporain'". Lausanne serait une autre option, mais avant d'entamer les discussions il veut avoir l'avis de son amie.
1971. 3 lettres. Il est très content qu'elle soit favorable à son idée de donation de L'Art Brut à la ville de Lausanne, il a aussitôt écrit à Michel Thévoz pour avancer dans ce projet, lui disant qu'il faudrait constituer "à Lausanne un petit comité (en très petit nombre) de membres de L'Art brut [...] pour débattre avec les bureaux de la ville les conditions de cette donation, rédiger les termes de l'acte et signer celui-ci".
1975. Une lettre, 12 mai : il a pu "constater l'attention et l'affection que portaient aux collections de L'Art brut tous les participants de la réunion, à commencer par le syndic de Lausanne lui-même." Il évoque les brocantes qui se sont ouvertes dans le Midi de la France, "où sont présentés des ouvrages qui se situent plus ou moins dans le vent de l'art brut. Le plus souvent d'ailleurs plutôt aux confins de l'art naïf ou de l'art populaire."
1976. Une lettre, 11 décembre : les collections du musée de L'Art Brut "se sont enrichies de nombreuses choses très intéressantes depuis leur transport à Lausanne. Je m'en réjouis beaucoup. J'irai sûrement un de ces jours y faire un tour ; je ferai pour cela violence à mes fortes inclinations casanières".
1980. Une lettre, sur la gestion excellente du musée de Lausanne.
[On joint :]
PORRET-FOREL, Jacqueline. Copies tapuscrites de 8 lettres à Jean Dubuffet. 1964-1970.
Complément des lettres citées supra, elles évoquent la rédaction de ses monographies sur Aloïse.
Le 15 avril [1964], longue et belle lettre sur la mort d'Aloïse : "J'avais consacré avant mon départ 2 semaines à l'étude systématique de ses écrits qui jetaient une grande lumière sur le contenu symbolique de ses dessins et ses procédés de créations et j'étais arrivée tout comme vous à la certitude qu'elle était parvenue, sur un plan particulier, à une sorte d'équilibre supérieur, qui lui donnait de grands pouvoirs d'esprit ; au cours de mes visites de ces derniers mois et quand elle était bien disposée, j'avais été souvent frappée par la rapidité quasi magique de sa pensée, comme si elle dominait tous les problèmes ; souvent, elle répondait de façon très précise avant qu'on ait formulé une question, et c'était très étonnant, comme une intuition foudroyante ou qu'il n'y eut plus de frontière pour elle. Et pourtant, elle avait encore des hallucinations et m'en a parlé à mon avant dernière visite, mais elle n'avait pas l'air d'en souffrir. C'est pourquoi j'ai particulièrement goutté [sic] ce que vous me dites d'elle dans votre dernière lettre ; vous avez vraiment eu l'intuition de ce qu'elle était, et aussi de son pouvoir à se dissimuler derrière le rideau de la maladie, derrière lequel elle aimait tout de même bien nous faire de petits signes comme dans un jeu : par exemple, en commentant un dessin, elle a fini par désigner 2 fruits en disant 'Dubuffet Buffalo' avec une sorte de connivence irrésistible. Je crois qu'elle avait beaucoup d'amitié pour vous."
TAPIE, Michel. Lettre tapuscrite à Jacqueline Porret-Forel. Ier novembre 1947. La Galerie Drouin "réserve dès maintenant une salle pour les expositions d'Art brut", et pour la première exposition, il souhaite que soient prêtés quelques documents d'Aloïse Corbar.
DUBUFFET, Jean. Copies de 3 lettres à Michel Thévoz, conservateur à Lausanne. 1971.
DUBUFFET, Suzanne. Lettre à Jacqueline Porret-Forel, 17 avril 1964. Lettre de sympathie sur la mort d'Aloïse.
KOPAČ, Slavko. 2 lettres autographes signées à Jacqueline Porret-Forel. 1966 et 1976. Enveloppes de la main de Dubuffet.
En 1941, le médecin Jacqueline Porret-Forel fait la connaissance d’Aloïse (1886-1964) à l’asile de La Rosière, dépendance de l’hôpital psychiatrique de Cery et, au fil de ces entrevues régulières, noue avec elle une relation durable. Elle consacrera une grande partie de sa vie à la préservation et à l'étude des œuvres de cette artiste majeure de l'Art Brut. Grâce à elle, Dubuffet qui était à la recherche d'œuvres conçues hors de tout conditionnement culturel et social, découvre une œuvre qu'il juge immédiatement exceptionnelle, exposant les dessins d'Aloïse à la galerie Drouin dès 1948. Jacqueline Porret-Forel lui fait don de dessins de sa patiente, qui constitue le cœur du fond de la Collection d'Art Brut, aujourd'hui au musée de Lausanne. En avril 2012, elle dirige la publication du catalogue raisonné de l'œuvre d'Aloïse.
Issue d’un milieu modeste, peu cultivé et marqué par l’alcoolisme, Aloïse Corbaz (1889-1964), après être tombée amoureuse d’un prêtre défroqué, est envoyée en Allemagne en 1911, employée comme institutrice puis comme gouvernante du chapelain de l’empereur Guillaume II. Ce dernier, qu'elle ne fait qu'entrapercevoir, lui inspire une passion délirante. Elle développe alors des symptômes de schizophrénie qui vont la conduire à un internement à vie. Durant toute ces années d'hôpital psychiatrique, elle ne cessera de représenter, aux crayons de couleurs vives, une vision idéalisée du couple.
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